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CHRONIQUES D'ART, 1902-1918, Guillaume Apollinaire Fiche de lecture

Un témoin du cubisme et du futurisme

Les Chroniques d'art livrent un témoignage de première main sur une période riche en mouvements, qu'Apollinaire a su reconnaître comme révolutionnaires : fauvisme (1905), cubisme (1908), futurisme (1909), et jusqu'au commencement de l'abstraction, vers 1913, avec les œuvres de Mondrian, de Picabia, de Delaunay et de Larionov. Témoignage qu'il faut toutefois accueillir avec prudence, car les erreurs et les omissions sont nombreuses, au point que l'on se demande comment Apollinaire, qui connaissait Picasso depuis 1905 et sur lequel il avait déjà écrit à cette date, a pu affirmer à plusieurs reprises que Derain était à l'origine du cubisme de Picasso, ou encore déclarer en 1914, alors qu'il connaissait le mouvement futuriste auquel il avait déjà consacré plusieurs textes en 1913, que Robert Delaunay – lui aussi l'un de ses amis – était un peintre futuriste. Il avait pourtant écrit un poème, Les Fenêtres, pour accompagner l'exposition de Delaunay en 1912, époque à laquelle il essaie de lancer, notamment au travers des tableaux de l'artiste, son propre mouvement, l'orphisme, qui n'aura pas de lendemains. Mais ces inexactitudes sont oubliées dès que l'on se plonge dans les textes sur les avant-gardes, principalement le cubisme et le futurisme, les deux seuls mouvements qui donnèrent lieu du vivant d'Apollinaire à deux publications séparées, le livre Les Peintres cubistes, méditations esthétiques (1913), et, la même année, un manifeste, L'Antitradition futuriste, dont les idées directrices proviennent des Chroniques.

Les textes les plus intéressants des Chroniques sont consacrés à ces mouvements ou à des artistes qui en sont issus, notamment des Préfaces de catalogues. Bien que l'on trouve des remarques pertinentes sur la sculpture de Rodin, de Bourdelle, de Medardo Rosso et surtout d'Archipenko, ou encore sur l'architecte catalan Antonio Gaudí, les idées esthétiques d'Apollinaire se sont élaborées à partir de la peinture.

Mort prématurément en 1918, Apollinaire n'a pas pu développer certaines réflexions à propos de Larionov ou de Kandinsky, par exemple, mais le nombre d'artistes qu'il défend et dont il a immédiatement compris l'importance est impressionnant. Aux artistes déjà mentionnés, on ajoutera Umberto Boccioni, Carlo Carrà, Giorgio De Chirico, Marcel Duchamp, Raoul Dufy, Othon Friesz, Albert Gleizes, Juan Gris, Jean Metzinger, Henri Rousseau, Kees Van Dongen. Longs ou brefs, ne comptant parfois que quelques lignes, les textes qu'Apollinaire leur consacre sont toujours ramassés dans leur formulation et ont pour la plupart conservé la fraîcheur et le ton enthousiaste d'un écrivain participant au renouveau de la littérature, un écrivain qui se sait en phase avec des artistes se lançant eux aussi dans l'expérience de la modernité.

— Jacinto LAGEIRA

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Écrit par

  • : professeur en esthétique à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne, critique d'art

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