Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

CHYPRE ANTIQUE

L'hellénisation de Chypre

Les obstacles

Les conditions géographiques ne semblaient pas prédisposer Chypre à devenir grecque. Bien qu'elle fût une île, dans cette Méditerranée que les marins grecs depuis Ulysse ne cessaient de revendiquer comme leur, elle était située au-delà des îles Chélidoniennes, au large des côtes de Lydie, où en 449 avant J.-C., d'un commun accord, Perses et Athéniens limitèrent la zone d'influence de l'empire d'Athènes ; en outre, alors qu'un chapelet d'étapes ponctue la route de Rhodes au continent grec, les navigateurs ne rencontraient plus, jusqu'à Chypre, que l'immensité d'une mer sans escale. Au contraire, tout rapprochait cette île des terres continentales qui encadrent l'angle nord-est de la Méditerranée. À moins de 75 kilomètres de distance, sa côte nord se déroule parallèle au rivage méridional de l'Asie Mineure, depuis les plaines de Pamphylie jusqu'aux rochers de la Cilicie Trachée. La côte sud-est elle-même est parfois à moins de 100 kilomètres de la Syrie et de la Phénicie, où les villes de Byblos, Bérytos, Sidon et Tyr sont les brillants témoins d'une civilisation différente. Les montagnes enfin qui, au nord comme au sud, enserrent la vaste plaine de la Mésorée ne sont que les résurgences des plissements qui bordent les côtes syrienne et anatolienne. Bien plus, seule de tout l'Orient, Chypre fournissait en abondance du minerai de cuivre aux peuples d'Anatolie et de Phénicie qui travaillaient le métal.

Les circonstances de l'histoire ajoutèrent aux servitudes de la géographie. À l'heure où la Grèce, sortie des siècles sombres qui suivirent la gloire de Mycènes, découvrait les éléments d'une civilisation proprement hellénique, des occupants successifs déferlaient sur Chypre : Phéniciens d'abord, avides d'imposer au monde occidental la souveraineté de leur commerce. Pour eux, Chypre était l'étape première, indispensable dans la marche vers l'ouest. Dès la fin du ixe et surtout au viiie siècle, ils ont à Kition, sur la côte sud, et, au-delà, à Amathonte, des places de commerce bien implantées. Leur souveraineté pourtant ne s'étend jamais beaucoup à l'intérieur des terres. Les rois de Salamine de Chypre font au contraire partie d'un grand empire quand ils figurent dans les listes des tributaires des rois d'Assyrie. Aussi bien la stèle de Sargon à la fin du viiie siècle que le prisme d'Asarhaddon, inscrit à Ninive en 673-672, attestent la suzeraineté de l'empire assyrien. En 612, la chute de Ninive marque la fin de cette domination, mais pour céder la place pendant un siècle encore à la prépondérance égyptienne, effacée à son tour par l'avance perse : une fois de plus, et pour cent ans ou presque, Chypre n'est plus que la marche occidentale de l'empire du Grand Roi. Ainsi, à l'heure où la Grèce des cités était à l'apogée de sa liberté et de sa civilisation, Chypre ne parvenait pas à s'affranchir de la tutelle de l'Orient. Il faudra, à la fin du ve siècle, une personnalité d'exception comme Évagoras Ier de Salamine pour faire entrer, un moment, les affaires chypriotes dans l'orbite du monde grec. Certes, les rois de Chypre assistent Alexandre dans sa conquête de l'Orient : ils sont à ses côtés au siège de Tyr. Mais l'indépendance grecque n'est plus qu'un mot. Salamine de Chypre pourra bien être l'enjeu des luttes entre Démétrios Poliorcète et le roi d'Égypte ; désormais, Chypre ne sera plus qu'une province du royaume des Ptolémées, avant d'être définitivement agrégée à l'empire de Rome.

La présence grecque

En dépit de tant d'obstacles, l'île ne devait jamais cesser d'être grecque. La mythologie déjà la rattachait à l'Occident : venus de[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Autres références

  • CHYPRE ANTIQUE (art)

    • Écrit par
    • 1 599 mots

    Une visite un peu attentive d'une des grandes collections d'antiquités chypriotes, au Cyprus Museum de Nicosie, au Louvre, au British Museum ou au Metropolitan Museum of Art de New York, suffit pour identifier ensuite assez aisément une œuvre fabriquée dans la grande île de la Méditerranée orientale...

  • ÉGÉEN MONDE

    • Écrit par
    • 11 202 mots
    • 15 médias
    Ces productions de l'art mycénien sont largement diffusées dans le monde égéen et au-delà : la même céramique se rencontre àChypre, sur la côte syrienne et en Égypte, vers l'ouest jusqu'en Italie du Sud. Il s'agit souvent d'objets apportés par les commerçants mycéniens pour servir de monnaie...
  • ÉVAGORAS Ier (mort en 374 av. J.-C. env.) roi de Chypre (411-env. 374 av. J.-C.)

    • Écrit par
    • 461 mots

    Souverain de Salamine de Chypre, descendant de la dynastie des Teucrides. En ~ 411, Évagoras met fin au contrôle que les Phéniciens exerçaient sur Salamine : il s'empare de la ville et du trône de ses ancêtres après une attaque surprise contre le Phénicien Abdémon. Reconnaissant la suzeraineté...

  • MINES, Antiquité gréco-romaine

    • Écrit par
    • 12 770 mots
    • 1 média
    Ainsi, à l'époque archaïque, les gîtes de cuivre de Chypre continuent à être exploités, eux qui, depuis le milieu du IIe millénaire, fournissaient en cuivre une partie du monde méditerranéen, avec les cargaisons de lingots en forme de « peau de bœuf » trouvées dans les épaves du cap Gelidonya...
  • PTOLÉMÉE XII PHILOPATOR PHILADELPHE dit AULÈTE (112-51 av. J.-C.) roi d'Égypte (80-58 av. J.-C. et 55-51 av. J.-C.)

    • Écrit par
    • 602 mots

    Roi d'Égypte (80-58 et 55-51), né vers 112 av. J.-C. en Macédoine, mort en 51 av. J.-C.

    Fils de Ptolémée IX Soter II et d'une de ses maîtresses, le jeune Ptolémée Aulète (le « Flûtiste ») n'a qu'une légitimité relative. En 103, sa grand-mère Cléopâtre III, reine d'Égypte, l'envoie pour sa...