CHYTRIDIOMYCOSE
Le déclin ou la disparition de populations d’amphibiens (grenouilles, crapauds, tritons, salamandres…) a généré à la fin du xxe siècle de nombreux travaux pour en définir des causes « globales ». Ces études ont notamment permis l’identification de champignons qui provoquent une maladie infectieuse appelée chytridiomycose. Celle-ci est impliquée dans le déclin de plusieurs centaines d’espèces d’amphibiens dans le monde. Si le traitement des individus touchés par la chytridiomycose est possible en captivité avec des produits antifongiques, la prévention et l’information par le biais d’un système de surveillance précoce sont les seuls leviers disponibles pour limiter la propagation de cette maladie dans la nature.
En plus de la perte ou de la dégradation (fragmentation, pollutions) de leurs habitats terrestre et aquatique, de leur surexploitation (à des fins alimentaires et médicales) et de la concurrence avec des espèces introduites, les amphibiens sont donc aussi victimes de champignons qui contribuent à leur disparition. Ces agents pathogènes sont susceptibles d’agir même dans les zones préservées. La chytridiomycose est une maladie émergente qui est ainsi devenue un enjeu important pour la batrachofaune mondiale.
Les champignons responsables de la chytridiomycose
Batrachochytriumdendrobatidiset Batrachochytriumsalamandrivorans sont deux champignons aquatiques qui provoquent la chytridiomycose. Ils sont classés dans l’ordre des Chytridiales et la famille des Chytridiaceae. Les champignons de cet ordre, appelés chytrides, sont des organismes microscopiques communs, hétérotrophes, ubiquistes (occupant des niches écologiques variées) et largement répandus géographiquement. Ils vivent pour la plupart dans l’eau et le sol. B. dendrobatidis et B. salamandrivorans sont inféodés aux amphibiens dans le sens où ils se développent en consommant la kératine (protéine fibreuse) de ces hôtes. Chez les têtards, cette kératine n’est présente que dans le bec corné. À la métamorphose, les cellules externes de l’épiderme se chargent de kératine protectrice. Les juvéniles, comme les adultes, peuvent alors être colonisés par ces champignons sur l’ensemble de leur corps.
La description de B. dendrobatidisa été publiée en 1999 à la suite de l’observation deux ans plus tôt de mortalités inexpliquées affectant un élevage de dendrobates bleus (Dendrobates tinctorius) dans un zoo nord-américain (d’où le nom d’espèce dendrobatidis). Sa biologie est désormais bien connue : c’est un champignon aquatique avec des stades de vie distincts. Les zoospores (de 3 à 5 µm de diamètre) constituent la phase mobile et infectieuse, se déplaçant grâce à leur flagelle (19-20 µm de longueur) pour coloniser la peau des amphibiens. Elles pénètrent les cellules épidermiques, perdent leur flagelle et forment un thalle sphérique (phase fixée). Ce dernier grandit, atteignant une taille de 20 micromètres. Au cours de sa croissance, le cytoplasme se complexifie et de nombreux noyaux se forment par division mitotique. Ces noyaux s’entourent d’une membrane et se développent en nouvelles zoospores (reproduction asexuée) qui remplissent la partie gonflée du thalle (appelée sporange). Ce sporange présente une ou plusieurs papilles par lesquelles les zoospores seront libérées à la surface de la peau, renouvelant ainsi le cycle infectieux.
Le cycle de vie est ainsi bouclé en quatre à cinq jours entre 17 et 25 0C, ce qui confère à ce champignon une répartition potentiellement mondiale, même s’il ne tolère pas une température supérieure à 30 0C.En tant que composantes du plancton, les zoospores peuvent être consommées par différents prédateurs, ce qui concourt à diminuer leur densité et, donc, le risque d’infection pour les amphibiens.
B. salamandrivorans a quant à lui été découvert en Europe en 2013 à l’occasion de l’étude[...]
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Écrit par
- Claude MIAUD : directeur d'études, École pratique des hautes études, enseignant-chercheur
Classification
Médias