CICLOSPORINE ou CYCLOSPORINE
Les progrès réalisés par les techniques chirurgicales de greffes d'organes dans les années 1970 ont suscité des besoins impérieux en matière de traitements immunosuppresseurs. Après transplantation rénale, le taux global de survie du greffon à un an atteignait alors à peine 50 p. 100. Quant aux autres greffes d'organes (par exemple, le cœur, le foie et le pancréas), les résultats en étaient si décevants qu'elles avaient été presque totalement abandonnées. Les effets secondaires à long terme d'un traitement immunosuppresseur par les corticostéroïdes et les agents cytostatiques étaient importants et constituaient un facteur limitant tout progrès.
C’est en 1970, au cours d’une recherche systématique de substances naturelles à effets pharmacologiques, que la ciclosporine (CS) est isolée pour la première fois. Il s’agit d’un métabolite polypeptidique du champignon Tolypocladiuminflatum, trouvé dans des échantillons de sol provenant d'un plateau en Norvège, le Hardangervidda. La réévaluation, par l’immunologue Jean-François Borel, des tests de criblage employés en immunologie par la firme Sandoz à Bâle devait conduire à des modifications chimiques de cette substance prometteuse, qui s'avérèrent cruciales pour la découverte de son action immunosuppressive. En 1972, une nouvelle substance dérivée, numérotée 24-556, montra une inhibition remarquable de l’hémagglutination, sans exercer d’effet anticancéreux. Une telle dissociation de ces deux actions apparaissait comme révolutionnaire pour un immunosuppresseur. L'année suivante, il était démontré que le 24-556 supprimait la formation des anticorps ainsi que la réponse immunitaire à médiation cellulaire, mais non la réaction inflammatoire aiguë. Cette substance fut donc spécialement testée dans un modèle d'inflammation chronique chez le rat. Les résultats démontrèrent que 24-556 réussissait non seulement à prévenir la maladie, mais également à guérir les animaux déjà atteints. Cela sauva la substance de l'abandon, puisque, entre-temps, on avait décidé en haut lieu d'arrêter les recherches sur ce produit en immunologie mais, en revanche, de poursuivre celles qui concernaient l'inflammation. La même année 1973, le mélange 24-556 fut reconnu comme contenant deux métabolites majeurs, les ciclosporines A et B, dont la première est le principe actif immunosuppresseur.
Après avoir effectué chez l'animal les nombreuses expériences pharmacologiques et toxicologiques nécessaires afin de pouvoir entreprendre les premiers essais chez l'homme contre le rejet de greffe, de sérieuses difficultés apparurent. La CS – qui est très lipophile – administrée sous forme orale en capsules de gélatine n'était pas absorbée. Une fois ce problème résolu, l’emploi de la ciclosporine comme aide à la prise de greffe, se fit timidement à partir de 1980, avant d’exploser deux ans plus tard.
Les ciclosporines sont connues pour leur puissante capacité d'inhibition sélective des lymphocytes T immunocompétents chez lesquels l'activation des gènes codant pour la production de lymphokines est bloquée. Elles inhibent par conséquent l'immunité humorale, l'immunité à médiation cellulaire et les réactions d'inflammation chronique. Grâce à cette action immunosuppressive puissante, la CS a été reconnue comme une des plus grandes découvertes en immunopharmacologie. Elle est le précurseur d'une nouvelle génération de médicaments immunosuppresseurs d’origine naturelle en particulier.
Elle a ouvert, suivant les mots du chirurgien cardiaque Michael E. DeBakey en 1983, « une nouvelle ère à la transplantation ». Après avoir permis d'augmenter le nombre des greffes d'organes et amélioré la survie des greffons allogéniques de rein, de foie et de cœur, elle autorise aujourd'hui[...]
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Écrit par
- Jean-François BOREL : docteur ès sciences, professeur d'immunologie, sous-directeur et chef de laboratoire Sandoz Pharma S.A.
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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