CILICIE
Nom antique d'une province du sud-est de l'Asie Mineure, centrée sur la plaine de Cilicie (en turc Çukur Ova, « la plaine creuse ») et son cadre montagneux. Celui-ci comporte deux éléments bien distincts : au nord, un fragment des hautes chaînes du Taurus (Ala daǧ, 3 734 m ; Bolkar daǧ, 3 585 m) que traversent difficilement les défilés des « portes de Cilicie », grande route traditionnelle reliant le plateau anatolien aux pays du Croissant fertile ; au nord-ouest, le plateau de Cilicie Trachée, vaste table de calcaire miocène accidentée d'innombrables dolines et drainée par le Göksu. La plaine de Cilicie proprement dite est due à la fusion des basses plaines alluviales du Ceyhan, du Seyhan et d'autres rivières côtières ; des reliefs de collines néogènes occupent le bord de la montagne.
Sa situation d'étape sur la route du Levant valut à cette plaine basse et insalubre d'être peuplée dès le Paléolithique ; au ~ IIe millénaire, elle servit de pivot à une construction politique, le royaume de Kizwatna, face à l'empire hittite du plateau ; elle connut une brillante prospérité aux époques hellénistique et romaine. Ruiné par les guerres byzantino-arabes, le pays abrita aux xiiie et xive siècles le royaume de Petite-Arménie, dernière expression politique de la nationalité arménienne. Aux temps ottomans, la Cilicie devient un terrain de parcours hivernal pour les tribus turkmènes estivant sur le plateau et retourne à une brousse marécageuse et paludéenne. La recolonisation n'eut lieu qu'à partir du deuxième tiers du xixe siècle, avec des éléments humains variés : fellahs égyptiens, mūhadjir tcherkesses et turcs, Arabes Alaouites du djebel Ansarieh, Kurdes du Taurus oriental. Mais les nomades gürük et turkmènes, une fois fixés, fourniront l'essentiel de la population. Beaucoup de leurs villages sont encore semi-nomades : ils pratiquent, vers les quartiers d'été du Taurus, une longue migration que partagent d'ailleurs nombre d'habitants des villes. Les collines restent vouées aux céréales d'hiver, entrecoupées de vignobles et de jardins autour des villages. Mais la basse plaine a connu depuis un siècle des développements agricoles brillants : grande culture du coton, vergers d'agrumes, riziculture.
Les villes traditionnelles, Adana (1 245 000 hab. en 2005), Tarsus (216 400 hab. en 2000), Ceyhan, s'alignent à l'intérieur de la plaine au passage des fleuves ; depuis le début du xixe siècle, une agglomération nouvelle s'est développée : le port de Mersin (538 000 hab. en 2000), grand débouché de toute l'Anatolie centrale et orientale, où est installée une importante raffinerie de pétrole.
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Écrit par
- Xavier de PLANHOL : professeur à l'université de Paris-Sorbonne, membre de l'Academia Europaea
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