AFRO-AMÉRICAIN CINÉMA
On peut diviser le corpus des films réalisés, interprétés par des Noirs aux États-Unis, ou dans lesquels ils tiennent un rôle important, en quatre grandes périodes non exclusives l’une de l’autre.
La première d’entre elles va de 1913 – peu de temps après la fondation, en 1909, de la National Association for the Advancement of Colored People (NAACP), association biraciale destinée à défendre les droits de la minorité noire – à 1948. Elle se caractérise par une production indépendante à faible budget et quasi invisible du grand public ; il en émerge la figure d’Oscar Micheaux.
La deuxième (qui peut se subdiviser en deux blocs) est directement liée au combat pour l’obtention des droits civiques, et à ses conséquences socioculturelles, qui voient le retour au pays des exilés William Greaves et Melvin van Peebles. C’est d’abord la Blaxploitation (littéralement, l’exploitation du Noir sous toutes ses formes et notamment positives) qui acquiert la plus grande visibilité avec, notamment, Les Sentiers de la violence (The Learning Tree, 1969), premier long-métrage réalisé par un Noir à Hollywood, le photographe Gordon Parks. De grands cinéastes s’exprimeront dans ce « genre » : l’acteur et « passeur » Ossie Davis et Ivan Dixon, entre autres, jusqu’en 1976. Parallèlement à ce mouvement mainstream se développe, entre 1971 et 1982, le courant indépendant de la Los Angeles School of Black Filmmakers (L.A. Rebellion) autour de Hailé Gerima, Charles Burnett et Billy Woodberry. D’autres indépendants réaliseront des films ailleurs. Ces courants s’estompent durant l’administration Reagan, mais de leurs divers croisements naîtra, une décennie plus tard, le « cinéma New Jack », où prédomine une vision pessimiste des ghettos urbains. Il est inauguré par Spike Lee dès 1986 : Nola Darling n’en fait qu’à sa tête (She'sGotta Have it), que suit Do the Right Thing, 1989. Ce dernier film fait office de manifeste générationnel inspiré par la vogue du gangsta rap.
Les évolutions politiques et sociétales qui menèrent Barack Obama au pouvoir en 2008 ont également nourri le cinéma et la culture sans toutefois apaiser la société. En 1997, le théoricien Mark A. Reid forge le concept de « postnégritude » (PostNegritude Visual and LiteraryCulture), qui s’intéresse aux peurs collectives qui découlent de ces approches dualistes Blanc-Noir, plutôt qu’aux dualités elles-mêmes en période postcoloniale. Ce nouveau cinéma s’ouvre à tous les thèmes, et notamment à la réflexion sur l’histoire, allant de l’esclavage (The Birth ofa Nation, Nate Parker, 2016) aux luttes pour les droits civiques des années 1960. Il s’intéresse aussi aux problématiques de genre ou sexuellescomme Precious de Lee Daniels (2009) ou Moonlight de Barry Jenkins (2016). De Charles Burnett à Ryan Coogler en passant par Spike Lee, une dramaturgie et une esthétique afro-américaines se sont ainsi affirmées dans le septièmeart.
Tentatives de définition
Le cinéma afro-américain occupe une place à part à l’intérieur des productions ethniques qui ont souvent permis d’exprimer les fluctuations du rêve du melting-pot, encouragé ou rejeté selon la nature des crises qui secouaient la société. Diverses tentatives de définition en ont été proposées : James P. Murray englobe des productions réalisées par des Blancs, mais dont un thème évoque la question des Noirs, alors que pour Gladstone L. Yearwood, il faut que les pratiques signifiantes soient directement issues de l’expérience et de la culture afro-américaine. Aujourd’hui, avec l’intégration croissante des Noirs dans la société américaine, la définition de Murray prévaut.
De l’esclavage des Noirs à la toute-puissance de la musique de jazz et du rhythm and blues, de la formation du Ku Klux Klan à la lutte pour les droits civiques dans les années 1960, des liens[...]
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Écrit par
- Raphaël BASSAN : critique et historien de cinéma
Classification
Médias
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