AFRO-AMÉRICAIN CINÉMA
Une nouvelle génération
Les Noirs participent activement aux transformations sociales et culturelles qui secouent les États-Unis dans les années 1960 : le mouvement pour les droits civiques conduit par Martin Luther King, l’apparition d’un radicalisme politique avec Malcolm X puis le mouvement des Black Panthers et la doctrine du « retour en Afrique » sont partie prenante de la contre-culture ; l’« agit-prop » mis en place par les Afro-Américains servira de modèle aux mouvements féministes et homosexuels de la décennie suivante. Les cultural studies naissent alors et vont s’internationaliser vingt ans plus tard pour proposer une approche transversale des cultures populaires, minoritaires, contestataires, raciales et sexuelles. L’underground, qui touche le monde des lettres (notamment la beat generation...), du théâtre (LeRoi Jones, le Living Theatre), du cinéma (Jonas Mekas, Andy Warhol...) et de la musique (rock, pop, soul, free jazz...) permet aux Noirs d’imposer leur empreinte plus fortement que par le passé. Leur cause devient, avec la résistance à la guerre du Vietnam, un des principaux thèmes des progressistes de tout bord. Les problèmes raciaux, les relations interethniques motivent des cinéastes indépendants blancs comme John Cassavetes (Shadows, 1960) ou Shirley Clarke – Harlem Story (The Cool World, 1963), Portrait of Jason (1967) – qui réalisent des films authentiques sur ces questions.
Une génération de cinéastes indépendants noirs apparaît bientôt. C’est d’abord l’ex-acteur William Greaves qui revient aux États-Unis après une décennie passée au Canada, pays où il participe au mouvement du cinéma direct qui privilégie le matériel léger et les documentaires pris sur le vif. Avec Still a Brother... Inside the Negro Middle Class (1967), l’œuvre majeure qu’il tourne à son retour, il donne le coup d’envoi du nouveau mouvement de cinéastes noirs indépendants en réalisant un violent pamphlet sur ses congénères qui singent les Blancs sans être acceptés par eux. De 1968 à 1970, il anime une émission, le Black Journal, essentiellement consacrée aux questions culturelles et sociales qui préoccupent ses frères de couleur. De cette unité expérimentale sortiront un grand nombre de cinéastes, téléastes et techniciens noirs.
Deux tendances majeures caractérisent ce courant : les films représentatifs de la vie du ghetto comme Killer of Sheepde Charles Burnett, Blesstheir Little Hearts de Billy Woodberry (1983), Sidewalk Stories de Charles Lane (1989), et le retour à un mythique africanisme avec Bush Mama de Hailé Gerima (1975), ou Daughters of the Dustde Julie Dash (1991). Une place à part doit être faite à Ganja & Hess de Bill Gunn (1972), qui mêle animisme et culture africaine, et à Passing Throughde Larry Clark (1977), qui essaie de rénover tant la musique que la manière de la filmer. Si un style filmique authentiquement noir américain, qui tenterait de se modeler sur le jazz, devait être défini, c’est chez Dash, Gerima, Gunn ou Clark qu’il faudrait aller le chercher. Références culturelles, tempo, lyrisme particulier, exploration des valeurs de la communauté noire sont ici sollicités de manière remarquable au profit de fictions impliquant une forme de narrativité en rupture avec le cinéma dominant. Cette quête de spécificité s’estompera provisoirement par la suite, jusqu’aux années 1990.
Parallèlement à ces productions indépendantes, les cinéastes afro-américains Gordon Parks, Ossie Davis et Melvin van Peebles réalisent des films à Hollywood, sous l’appellation de Blaxploitation, où les Noirs tiennent enfin les premiers rôles.
Si Le Casse de l’Oncle Tom (Cotton Comes to Harlem) d’Ossie Davies (1970) et Shaft de Gordon Parks (1971) sont réalisés par des Noirs, les Blancs se mettent de la partie avec Coffy, la panthère noire de Harlem (Coffy) de Jack Hill (1973), ou Black Caesar de Larry[...]
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Écrit par
- Raphaël BASSAN : critique et historien de cinéma
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