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AFRO-AMÉRICAIN CINÉMA

Les années Obama : l’improbable consensus ?

L’élection de Barack Obama à la présidence des États-Unis en 2008 a joué un rôle symbolique fort pour les Noirs américains. Elle a accompagné les changements des mentalités qui l’ont porté au pouvoir, sans toutefois parvenir à résoudre les problèmes liés à la pauvreté et au racisme ; les crimes anti-Noirs se multiplient après 2012 et provoquent la création du mouvement Black Lives Matter (« Les vies noires comptent ») en 2013.

Trois grandes catégories de films marquent cette période : ceux qui traitent de l’histoire ancienne (l’esclavage) ou récente (centrée sur des problèmes propres à la période de la lutte pour les droits civiques), d’autres qui abordent de front les questions de sexualité et d’homosexualité, sujets demeurés quasi tabous durant les décennies précédentes, et les films qui évoquent la situation actuelle des Afro-Américains, notamment en résonance avec les violences policières. Les films hésitent entre la tentation du consensus (Le Majordome, The Butler, de Lee Daniels, 2013) et la prise de conscience et l’inquiétude devant le peu d’évolution du sort des Afro-Américains (Fruitvale Station, de Ryan Coogler, 2013).

Si le thème de l’esclavage est traité dès les années 1960 avec notamment Esclaves (Slaves, 1969) de Herbert J. Biberman) et surtout Sankofa (1993)de Hailé Gerima, deux films vont modifier les enjeux en termes d’authenticité et de popularité publique, Twelve Years a Slave, de l’Afro-Britannique Steve McQueen, (2013) et Naissance d’une nation(The Birth of a Nation), de Nate Parker (2016), œuvres à gros budgets relatant le vrai destin d’Afro-Américains au xixe siècle. Naissance d’une nation est une réponse indirecte, un siècle plus tard, au film éponyme de Griffith, qui remonte le temps pour évoquer la révolte sanglante de Nat Turner en 1831. Quant au film de McQueen, il se fonde sur l’autobiographie de Solomon Northup, Douze ans d’esclavage (1853), qui raconte comment, né libre à New York, il fut enlevé et vendu à des propriétaires de Louisiane. Il vivra en esclave durant douze ans avant de réussir à faire reconnaître ses droits. Son livre sera un étendard pour les abolitionnistes. Le film obtient en 2014 trois Oscars : meilleurs film, scénario et second rôle féminin.

Les années 1960, qui marquent la fin de la période ségrégationniste, ont beaucoup été abordées durant les « années Obama ». Loving de Jeff Nichols (2016) s’attaque après Melvin van Peebles et Spike Lee (Jungle Fever) aux problèmes interraciaux dans une optique sociopolitique. Selma (2015), de la réalisatrice noire Ava DuVernay, transcrit, subtilement, la genèse d’une marche pour l’application des droits civiques, en 1965 en Alabama, conduite par Martin Luther King.

Les choses évoluent beaucoup au niveau du langage cinématographique et des nouveaux thèmes abordés, dont l’homosexualité. Noirs, Blancs, métis, membres des groupes LGBT y contribuent.

C’est via la création télévisuelle que les choses vont évoluer au niveau de la représentation des femmes de couleur et des visions de genre, car, dans l’optique de la postnégritude, c’est un même pouvoir blanc qui oppresse les Noirs, les femmes et les homosexuels. Une série télévisée comprenant soixante-dix épisodes de cinquante-deux minutes, The L Word, créée par Ilene Chaiken et diffusée entre janvier 2004 et mars 2009 aux États-Unis, va jouer un rôle important et influencer des cinéastes comme Lee Daniels ou Barry Jenkins. La série décrit la vie d’un groupe de femmes lesbiennes ou bisexuelles dans un quartier huppé de Los Angeles. Un des couples suivis est biracial. Pam Grier, l’icône de la Blaxploitation, et Ossie Davis, présent dans plusieurs films de Spike Lee, jouent également dans cette série.

Une décennie plus tard, Spike Lee promeut une grille de lecture proche (sur[...]

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Médias

<em>Within our Gates</em>, O.Micheaux - crédits : Micheaux Book & Film Company/ BBQ_DFY/ Aurimage

Within our Gates, O.Micheaux

<em>Hallelujah</em>, K. Vidor - crédits : John D. Kisch/ Separate Cinema Archive/ Getty Images

Hallelujah, K. Vidor

<em>Watermelon Man</em>, M. Van Peebles - crédits : Mary Evans/ Aurimages

Watermelon Man, M. Van Peebles

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