ALLEMAND CINÉMA
L'Allemagne coupée en deux
Le régime aura soutenu le cinéma jusqu'aux dernières semaines précédant la défaite, comme en témoigne Kolberg, fresque historique de Veit Harlan, destinée à stimuler la combativité de la population en 1945. Après la fin de la guerre, l'Allemagne en ruines étant partagée en zones d'occupation militaire, les plus importantes infrastructures du cinéma (Babelsberg) tombent sous la coupe des Soviétiques, qui sont les premiers à relancer la production. Des anciens studios de la UFA sort ainsi l'excellent film à thématique antifasciste écrit et réalisé par Wolfgang Staudte, Les assassins sont parmi nous (Die Mördersindunter uns, 1946). Aux yeux des vainqueurs, le cinéma doit participer à la dénazification, ce qui favorise, à l'Est surtout, l'existence de films réalistes sur l'histoire récente. Et il convient de relancer la production, tâche à laquelle s'attache notamment Erich Pommer, revenu en Allemagne dans ce but sous l'uniforme américain.
Malgré les efforts de quelques cinéastes comme Helmut Käutner et Wolfgang Staudte (qui tente de maintenir une collaboration entre les deux Allemagnes) à l'Ouest, Kurt Maetzig, Slatan Dudow, Konrad Wolf à l'Est, le cinéma allemand des années 1950 et 1960 ne se montre guère brillant. À l'Ouest, les vieux genres refleurissent, comme le Heimatfilm, ode rurale conservatrice. Les films de guerre visent trop souvent à démarquer la Wehrmacht du nazisme. Les anciens émigrés revenus en RFA échouent, comme Peter Lorre, malgré son excellent Un homme perdu (Der Verlorene, 1951), quand ils ne sont pas simplement en fin de carrière (Siodmak, Lang). Fondé à l'Ouest en 1951, et appelé à devenir une des manifestations de ce type parmi les plus importantes en Europe, avec Venise et Cannes, le festival de Berlin ne deviendra que tardivement une véritable vitrine du cinéma allemand. Si l'expansion des coproductions permet à des acteurs comme Curd Jürgens de mener à bien une carrière internationale, les cinéastes de l'ère Adenauer restent attachés aux vieilles recettes et, à quelques exceptions près (Staudte, Käutner, Falck Harnack, Bernhard Wicki), restent confinés dans un classicisme conventionnel. De son côté, la RDA cultive un sobre académisme appuyé sur de solides qualités techniques et de bons interprètes. Mais le cinéma, sous tutelle politique, tourne le dos à la réalité, malgré une bonne école documentaire, et se méfie des innovations. Si une nouvelle vague semble émerger comme dans les autres démocraties populaires, elle est ici étouffée en 1966 dès la sortie de Traces de pierre (Spur der Steine) de Frank Beyer. Une douzaine de films (certains en cours de montage) sont interdits, qui représentaient un véritable renouveau mais ne seront connus qu'après la chute du Mur de Berlin. Un certain dégel n'interviendra qu'au moment où la RDA vivra ses dernières années.
En RFA, quelques tentatives d'indépendants ont préparé le terrain à ceux qui se révoltent contre le cinéma traditionnel, en déclin non seulement esthétiquement mais économiquement. Stimulés par l'accueil que reçoivent les premiers longs-métrages des nouveaux venus, Anita G. (Abschied von Gestern, 1966) d'Alexander Kluge et Les Désarrois de l'élève Toerless (Der jungeTörless, 1966) de Volker Schlöndorff, les jeunes réalisateurs s'organisent et obtiennent des aides publiques qui contribuent à l'affirmation de ce « jeune cinéma allemand », incarnation d'un cinéma d'auteur où, cette fois, le terme désigne le metteur en scène, le plus souvent scénariste de ses films, et, particularité du mouvement, également son propre producteur. Quelques courants traversent ce jeune cinéma. Alexander Kluge, le théoricien du cinéma d'auteur allemand, qui croit dans les vertus du montage et du didactisme de l'image, a des compagnons[...]
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Écrit par
- Pierre GRAS : enseignant en cinéma à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle et à l'université de Paris-VII-Denis-Diderot
- Daniel SAUVAGET : économiste, critique de cinéma
Classification
Médias
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