Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

ALLEMAND CINÉMA

Le temps des désillusions

De nombreuses distinctions dans les festivals nourrissent l'optimisme. Des films d'auteur, outre leurs qualités intrinsèques, ont conquis un large public. Le symbole en est Le Tambour (Die Blechtrommel, 1979). Schlöndorff adapte brillamment et fidèlement le roman touffu de Günter Grass, et le film est couronné à Cannes et à Hollywood. D'autres jeunes cinéastes, comme on continue à les nommer, trouvent le chemin du public, en particulier Fassbinder (du Mariage de Maria Braun à un plus ambigu Lili Marleen). Le cinéma allemand séduit alors la critique du monde entier, et les producteurs américains eux-mêmes s'y intéressent... Mais les années 1980 ne confirment pas cet optimisme. La mort prématurée de Fassbinder en 1982 est à cet égard un symbole. Les réalisateurs les plus âgés, comme Edgar Reitz, se tournent souvent vers la télévision. Le toujours militant Kluge lui-même signe son dernier film de cinéma en 1986. Il décide de se battre, non sans succès, pour imposer un créneau véritablement culturel sur une chaîne de télévision. Syberberg, lui, s'oriente vers la création vidéo, puis les installations multimédias. Wenders, toujours fasciné par les États-Unis (où il travaille dès 1980) est devenu un globe-trotter du cinéma, revenant de temps à autre dans le contexte allemand : Les Ailes du désir(Der Himmelüber Berlin, 1987) et sa suite, inspirée par les changements apportés par la Réunification allemande, Si loin, si proche (In weiterFerne, sonah, 1993). Schlöndorff tourne beaucoup aux États-Unis, puis prend la direction artistique des studios de Babelsberg, privatisés après la Réunification (il reviendra à une œuvre personnelle en 2000). Percy Adlon, après le succès de Bagdad Café (1987), fait l'expérience de la production indépendante aux États-Unis. Reitz, Kotulla et d'autres tentent d'adapter leur message à la télévision. D'anciennes féministes comme Doris Dörrie se convertissent à la comédie grand public. Reinhard Hauff dirige une école de cinéma et cesse de tourner à partir de 1989. Schroeter se consacre surtout à l'opéra, et d'autres, comme Herzog, semblent avoir perdu le souffle de leurs premiers films. Beaucoup, tel le poète non conformiste Herbert Achternbusch, réalisent des films à très petit budget, peu diffusés. L'industrie audiovisuelle est devenue un enjeu majeur en Allemagne, et tout se passe comme si le cinéma devait se repositionner en fonction de cette nouvelle donne.

Après l'achèvement de la Réunification, les cinéastes de l'Est ont dû s'adapter à des conditions de travail nouvelles. Si quelques-uns ont pu, en 1990-1992, traiter des sujets qui leur tenaient à cœur et qu'il était impossible d'aborder du temps de la RDA, à peine libérés d'un contrôle politique étouffant, ils n'en ont pas moins dû tenir compte d'un contrôle économique et de règles qu'ils ne maîtrisèrent pas tous. Leurs efforts, leurs difficultés sont exactement ceux de la plupart de leurs collègues de l'Ouest. Les issues sont également les mêmes : la télévision, le film de commande que leurs capacités professionnelles peuvent satisfaire, ou la retraite. Les documentaristes de l'Est, tels Volker Koepp, ou Barbara et Winfried Junge, viennent grossir les rangs d'une profession réputée qui se maintient à un haut niveau, avec les Hartmuth Bitomsky, Rolf Schübel (également tenté par la fiction), Harun Farocki, Helga Reidemeister.

Les grands cinéastes du second âge d'or du cinéma allemand ont-ils d'authentiques successeurs ? Beaucoup de jeunes réalisateurs issus des écoles de cinéma rêvent moins des lauriers du cinéma d'auteur que de ceux de leurs compatriotes devenus réalisateurs de films de confection à Hollywood, comme Wolfgang Petersen ou Roland Emmerich. Chaque année pourtant, plusieurs premiers ou[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : enseignant en cinéma à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle et à l'université de Paris-VII-Denis-Diderot
  • : économiste, critique de cinéma

Classification

Médias

Nosferatu le vampire, F. W. Murnau - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Nosferatu le vampire, F. W. Murnau

Faust, F. W. Murnau - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Faust, F. W. Murnau

Metropolis, Fritz Lang - crédits : Horst von Harbou/ Stiftung Deutsche Kinemathek/ AKG-images

Metropolis, Fritz Lang

Autres références

  • AGUIRRE, LA COLÈRE DE DIEU, film de Werner Herzog

    • Écrit par
    • 1 055 mots

    Aguirre, la colère de dieu (Aguirre, der Zorn Gottes) est le premier long métrage de fiction réalisé par un auteur alors connu pour la qualité de ses documentaires : Signes de vie (Lebenszeichen, 1967) puis Fata Morgana (1970).  Il s'agit aussi du premier grand rôle de Klaus Kinski avec...

  • LES AILES DU DÉSIR, film de Wim Wenders

    • Écrit par
    • 871 mots
    • 1 média

    Né en 1945 à Düsseldorf, Wim Wenders devient critique de cinéma à la fin des années 1960 tout en entamant, dès 1967, un parcours de cinéaste. Après trois films remarqués L'Angoisse du gardien de but au moment du penalty (Die Angst des Tormanns beim Elfmeter, 1971), Alice dans les villes...

  • AKIN FATIH (1973- )

    • Écrit par
    • 1 056 mots

    Depuis l'ours d'or attribué en 2004 à Gegen die Wand (Head On), et les succès en France de ses deux films suivants, Auf der anderen Seit (De l'autre côté) en 2007 et Soul Kitchen en 2010, Fatih Akin est devenu l'auteur-réalisateur allemand le plus connu des spectateurs français et...

  • L'ANGE BLEU, film de Josef von Sternberg

    • Écrit par
    • 984 mots

    Josef von Sternberg (1894-1969), de son vrai nom Jonas Sternberg, est un juif viennois d'origine modeste dont la famille émigre aux États-Unis dans sa petite enfance. Il débute à Hollywood en 1912 en exerçant toutes sortes de métiers : nettoyeur et vérificateur de copies de films, monteur,...

  • Afficher les 73 références