ALLEMAND CINÉMA
Vers un renouveau ?
Good Bye Lenin !, La Chute, La Vie des autres : trois films allemands ont marqué les spectateurs du monde entier dans les années 2000. Ignoré et boudé dans les années 1990 par les spectateurs non germanophones comme par les festivals et les distributeurs, le cinéma allemand semble enfin sorti d'une période de léthargie. La liste de ses succès est longue : oscar du meilleur film étranger en 2003 pour Nowhere in Africa de Caroline Link et en 2007 pour La Vie des autres de Florian Henckel von Donnersmarck ; ours d'or au festival de Berlin en 2004 pour Head On de Fatih Akin ; succès nationaux et internationaux pour les trois premiers films évoqués ; grands succès sur le marché allemand de comédies nationales (jusqu'à 11 millions d'entrées pour La Chaussure du manitou). De plus, la critique distingue parmi les jeunes cinéastes un courant cinématographique novateur, l'« école de Berlin ».
Les années 1990 furent effectivement des années difficiles pour la cinématographie allemande. Après la mort de R. W. Fassbinder en 1982, la dispersion au gré de coproductions européennes des cinéastes vedettes du « nouveau cinéma allemand » des années 1970 (H. J. Syberberg, W. Schlöndorff, W. Herzog) et l'échec en 1991 de Jusqu'au bout du monde, de Wim Wenders, après les triomphes de ses films précédents, ont marqué la fin d'une époque. Alors que la réunification aurait pu profiter à la production allemande en élargissant son public, la part de marché des films nationaux diminue jusqu'à 8 p. 100 en 1998 (contre 28 % en France), le public se tournant vers les films américains. Le nombre de films de fiction produits n'est que de soixante environ, alors que la France en produit cent quarante, dont cinquante-cinq premiers films. Le regain d'optimisme que connaît l'industrie du cinéma au début de la décennie ne repose que sur le succès de comédies populaires inexportables, de grosses productions commerciales de prestige, et sur les débuts hollywoodiens de Roland Emmerich et Wolfgang Petersen.
Le premier signe du renouveau apparaît en 1998 avec Cours Lola, cours de Tom Tykwer, un film superficiel et brillant qui séduit les festivals et les distributeurs avant de devenir un réel succès d'exportation (sauf en France). Le film impose l'actrice Franka Potente sur le marché international. Il marque aussi le début du succès pour la société de production X Filme, que Tykwer, Dani Levy et Wolfgang Becker ont créée en 1994 pour produire des œuvres capables de rencontrer le succès au-delà des frontières nationales. C'est Wolfgang Becker qui parvient, avec Good Bye Lenin ! (2003), à fortifier durablement l'image du cinéma allemand. En s'appuyant sur une donnée historique, la réunification, le film réussit à passionner les spectateurs du monde entier en mettant en scène les mensonges d'un fils qui cherche à protéger sa mère. La voie est ouverte dans l'imaginaire des spectateurs à La Chute et à La Vie des autres, deux autres films qui, pour être fortement liés à l'histoire nationale, n'en ont pas moins un potentiel international.
Les principaux indicateurs économiques témoignent de ce renouveau : le nombre de spectateurs en salles dépasse durablement les 150 millions ; la part de marché allemande est en moyenne de 20 % ; les comédies populaires attirent le grand public en faisant se succéder les parodies des romans-western de Karl May, celle des films de science-fiction ou des récits de chevalerie.
Dans la diversité actuelle de la production, Bernd Eichinger reste le représentant emblématique du film commercial de prestige. Après Moi Christiane F. (Uli Edel, 1983), le plus gros succès à ce jour du cinéma allemand en France avec trois millions de spectateurs, il s'engage résolument dans un cinéma de standard international.[...]
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Écrit par
- Pierre GRAS : enseignant en cinéma à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle et à l'université de Paris-VII-Denis-Diderot
- Daniel SAUVAGET : économiste, critique de cinéma
Classification
Médias
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