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CINÉMA (Aspects généraux) Histoire

Le jeune cinéma des années 1960

La première génération du cinéma était née en même temps que le cinéma : un peu avant 1900. Il fallut attendre les années 1960 pour qu'elle cède le pas à la seconde génération, née, elle, en même temps que le cinéma parlant. Ce qui surprend, c'est que ce renouvellement s'est produit dans tous les pays à la fois. Et souvent avec plus d'efficacité dans les pays où l'industrie cinématographique était peu développée, voire inexistante. En effet, des pays comme l'Inde, qui était en 1956 au deuxième rang de la production mondiale, ou comme l'Égypte, qui bénéficie de l'exportation de sa production dans le monde arabe, ne se distinguent guère par des œuvres de qualité – à quelques exceptions près : Le Monde d'Apu (ApurSensar, 1959) de Satyajit Ray, en Inde ; Gare centrale (Bab el-Hadid, 1958) de Youssef Chahine, en Égypte.

C'est en France que le mouvement de la Nouvelle Vague a ouvert la voie, prenant une signification exemplaire, devenant l'emblème d'une révolution à la fois critique et économique.

Alfred Hitchcock - crédits : Hulton Archive/ Getty images

Alfred Hitchcock

Pendant les années 1950, l'équipe des Cahiers du cinéma, réunie autour du critique André Bazin, fréquente assidûment la Cinémathèque et remet en question tous les jugements sur l'histoire du cinéma. Le cinéma d'Hollywood est réhabilité autour de Hitchcock, Hawks, Lang, Lubitsch et quelques autres. Mais Renoir, Rossellini, Bresson viennent aussi au premier plan. Par cette réflexion sur le cinéma, il s'agit de dégager la notion d'« auteur de films ». Il faut faire la preuve qu'à travers les pires contraintes de l'industrie et du commerce un homme parvient à s'exprimer. Cette révolution critique débouche sur une révolution économique.

Les jeunes critiques français, au lieu de suivre la filière réglementée de l'assistanat stérilisant, tournent des films par tous les moyens. Ils parviennent à réaliser leurs premières œuvres avec des budgets dérisoires : Le Beau Serge de Chabrol (1958) ; Les 400 Coups de Truffaut (1959) ; À bout de souffle de Godard (1960) ; Lola de Demy (1960). Agnès Varda avait été la première à tourner un film à petit budget, en 1954 : La Pointe courte, qui avait été boycotté par les commerçants du cinéma.

Dans ces deux domaines, une insolente liberté s'affirmait. Elle allait mettre en question toutes les routines professionnelles, hâter les progrès de la technique, précipiter l'avènement des caméras légères qui, avec leur synchrone, bouleversaient les conditions de tournage d'un film. Jean Rouch, ethnologue et cinéaste, que Rossellini devait saluer comme un frère, avait montré la voie en inventant, caméra de 16 mm au poing, sur les quais d'Abidjan ou dans la brousse du Niger, un cinéma dépourvu de toute contrainte (La Chasse au lion à l'arc, 1965). À la même époque, Rossellini tournait India 58, à peu près dans les mêmes conditions. Rouch allait par la suite révéler au public des œuvres étonnantes qui eurent une influence décisive sur les jeunes Français : Les Maîtres fous (1957) ; Moi, un Noir (1958) ; La Pyramide humaine (1961). L'influence de Rouch se fit sentir jusqu'au Canada, où des jeunes n'attendaient que cet exemple pour oser tourner des grands films en 16 mm. Des aînés aussi se trouvaient enlisés dans les contraintes du film de commande, du court-métrage industriel. Alain Resnais et Georges Franju étaient prêts à apporter leur concours aux jeunes qui voulaient faire une entrée en force. Au festival de Cannes 1959 furent révélés Hiroshima, mon amour, premier long-métrage de Resnais, et Les 400 Coups, premier film de Truffaut. La maîtrise souveraine du premier, la liberté de ton, l'humour, la sensibilité du second suffirent à impressionner l'opinion mondiale. Le jeune cinéma avait conquis le droit[...]

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Écrit par

  • : professeur d'études cinématographiques et d'esthétique à l'université de Paris-Est-Marne-la-Vallée
  • : docteur ès lettres, professeur à l'université de Paris-V-René-Descartes, critique de cinéma
  • : journaliste

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Médias

Fritz Lang - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Fritz Lang

La Sortie des usines Lumière, A. et L. Lumière - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

La Sortie des usines Lumière, A. et L. Lumière

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