CINÉMA (Aspects généraux) L'industrie du cinéma
Le cinéma d'auteur en question
La « mort du cinéma » appartient à une rhétorique qui hante le paysage audiovisuel depuis quelques dizaines d'années. Après avoir accompagné les chocs technologiques : le tout télévision, la généralisation de la vidéo, elle se mêle aujourd'hui aux peurs que fait naître l'univers du numérique. Pourtant la salle de cinéma reste bien vivante et de nombreux jeunes gens gardent l'envie de s'exprimer au moyen de la caméra. Le spectre de la crise apparaît de nouveau en France, où existe un système très codifié d'intervention publique dans la production et la diffusion. Des diagnostics pessimistes émergent des variations incontrôlables du marché, des difficultés qu'ont les jeunes cinéastes à trouver un public et à obtenir des financements qui soient à la hauteur de leurs ambitions, des rapports de pouvoir avec la télévision, enfin d'un déséquilibre croissant entre le cinéma dominant et le cinéma dominé. Entendons par ce dernier terme le cinéma ambitieux, créatif, indépendant, le cinéma d'auteur à la française, qui n'est pas le cinéma d'auteur de l'âge classique, celui des cinéastes capables d'imposer une touche personnelle au sein des grands studios, mais plutôt celui de réalisateurs qui pensent leur travail sur le modèle de celui de l'écrivain. Si crise il y a, elle renvoie sans doute à celle d'un système de production, mais aussi à une crise d'identité.
Un système qui repose sur les aides de l'État
« Si le cinéma français est en crise, c'est depuis 1895 ! », aurait dit, à la fin des années 1980, un directeur du Centre national de la cinématographie, embarrassé par la baisse des performances du cinéma français et agacé par les admonestations des professionnels. Bien que ne résistant guère à l'analyse, la phrase conserve une petite part de vérité, dans la mesure où l'évolution artistique et économique du cinéma s'est faite par à-coups, par alternance d'échecs et de réussites, d'assoupissements et d'innovations. Depuis la Seconde Guerre mondiale et sa perte d'hégémonie au profit de Hollywood, le cinéma français est à la recherche de lui-même. Dans les années 1950, il a entrepris la conquête d'une légitimité culturelle qui s'est appuyée sur la complémentarité avec l'économie. Aucun pays au monde n'a à ce point associé financement matériel et ambition qualitative, initiative privée et encadrement par l'État : réglementation de l'ensemble de la filière film, rapports cinéma-télévision, déploiement des avances, subventions et avantages fiscaux, pacification des rapports entre branches, soutien aux établissements culturels et aux festivals, insertion du cinéma dans l'enseignement. Il en est résulté une politique du cinéma, concrète, enviée dans sa diversité par les professionnels des pays voisins, constituée en modèle aux yeux de l'Europe. Un système responsable à bien des égards de la résistance dont le cinéma national a fait preuve sur son propre marché face à l'hégémonie du cinéma-monde américain, comme de la vitalité et du renouvellement de la création cinématographique.
Depuis le tournant du xxe siècle, après des années de satisfaction, le temps est venu des critiques, internes et externes, le temps des constats rigoureux qui mettent en évidence la misère, voire la « violence » (le terme a été employé par la réalisatrice Pascale Ferran en 2007), dissimulées sous les succès commerciaux et les récompenses obtenues dans les festivals. Aux années 1990 qui ont vu l'affirmation d'une ou de plusieurs nouvelles vagues de cinéastes affichant un programme de cinéma d'auteur, succède ainsi le désenchantement. On jette un regard plus critique sur les œuvres, on s'interroge sur le jeune cinéma, on renoue[...]
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Écrit par
- Pierre-Jean BENGHOZI : directeur de recherche au centre de recherche en gestion de l'École polytechnique
- Daniel SAUVAGET : économiste, critique de cinéma
Classification
Médias
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