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CINÉMA (Aspects généraux) La cinéphilie

Cinéphilie et Nouvelle Vague

Telle est la raison qui, non sans fondement, fit prendre la génération d'après guerre pour celle de la première cinéphilie. Il faut y ajouter un facteur circonstanciel d'importance : le retour des films américains après la Seconde Guerre mondiale. Non seulement la production hollywoodienne avait déserté les écrans de la France occupée, mais les compagnies américaines devaient écouler plusieurs saisons de ladite production à la Libération. Le volet « cinéma » des accords Blum-Byrnes, ajouté in fine dans le cadre de la négociation bilatérale de l'application du plan Marshall, prévoyait l'écoulement des stocks en octroyant dans un premier temps neuf semaines sur les treize qui composent un trimestre à la production américaine. On devine la réaction des communistes, omniprésents à la Libération et particulièrement dans le secteur concerné. Grèves, manifestations avec stars battant le pavé, et un certain remue-ménage qui permit aux « professionnels de la profession » de faire entendre leur point de vue. Mais d'un autre côté, celui des adolescents de la guerre par exemple, ce retour de Hollywood fut considéré comme une très bonne nouvelle. Les Français pouvaient enfin voir Autant en emporte le vent de Victor Fleming, sorti aux États-Unis en 1939. Et découvrir Citizen Kane (1941) et La Splendeur des Amberson (1942) d'Orson Welles, les comédies de Preston Sturges, les premières comédies musicales de Vincente Minnelli, et ces films policiers ou criminels si particuliers que la France inventa pour eux le vocable de « film noir », expression qui fit le tour du monde et fut « naturalisée » américaine. Ce fut le grand moment des ciné-clubs, de la Cinémathèque de Langlois, de la seconde Revue du cinéma, de L'Écran français (qui n'était pas encore entièrement stalinisée), d'Objectif 49, du festival de Cannes – et surtout de son « contraire » : le festival du Film maudit de Biarritz (deux éditions en 1949 et 1950, mais toute la Nouvelle Vague était déjà là). Bref, ce fut le moment où la cinéphilie a « pris », confirmant en cela le postulat bachelardien qui distinguait ainsi les deux moments de l'invention scientifique, celui de la découverte et celui du succès. Le grand prêtre du mouvement fut un « saint en casquette de velours » : André Bazin (1918-1958). Moins informé que certains de ses camarades comme Alexandre Astruc, Chris Marker ou Alain Resnais, il combla vite son retard, et imposa la figure de l'athlète complet de la critique. Bazin travaillait dans la presse quotidienne (Le Parisien libéré), hebdomadaire (L'Observateur), pour les grandes revues intellectuelles (Esprit) et évidemment dans la plupart des supports spécialisés de l'époque. Il fut autant critique que théoricien (comme on le voit dans son livre Qu'est-ce que le cinéma ?), défendit Roberto Rossellini, Jacques Tati, Marcel Pagnol, Robert Bresson, William Wyler, Orson Welles, Preston Sturges, et soutint le cinéma parlant contre les « fanatiques de l'Image et du Montage », c'est-à-dire la vieille garde des défenseurs du cinéma muet. Ce fut d'abord cela, le « réalisme » selon Bazin : rattraper quinze ans de retard et mettre la réflexion sur le cinéma « au niveau de son époque », pour reprendre une expression de Robert Musil. Défenseur de l'adaptation cinématographique des œuvres théâtrales et romanesques, adversaire du montage « productif » – c'est-à-dire créateur de sens –, Bazin croyait sincèrement à une vocation ontologique du cinéma : le respect de la réalité. Mais l'on oublie souvent que, sans tomber dans l'hollywoodophilie de Jean George Auriol ou de ses jeunes collègues des Cahiers du cinéma, Bazin instrumentalisa la notion d'avant-garde pour « l'élargir à une frange du cinéma commercial[...]

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  • : professeur d'études cinématographiques et d'esthétique à l'université de Paris-Est-Marne-la-Vallée

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