CINÉMA (Aspects généraux) La cinéphilie
Les « Cahiers du cinéma »
Le plus important animateur de revues fut Jean George Auriol (1907-1950). La seconde série de la Revue du cinéma (1946-1949), toujours publiée par Gallimard après quinze ans d'interruption, offre une série de contributions de haute tenue signées, outre André Bazin, Maurice Schérer (le futur Éric Rohmer), Nino Frank, Jean-Pierre Chartier ou, quand il quittait sa tribune des Temps modernes, Albert Laffay, considérable écrivain de cinéma de son temps (Logique et cinéma, 1964). Auriol perpétue sans complexe, et avec de fort bonnes raisons, le culte du cinéma américain, comme l'atteste cette déclaration : « Soyez sûrs que, ne sachant tel soir creux vers quel écran me diriger, c'est devant n'importe quelle chose incertaine importée d'Hollywood que je finirai par échouer. » Ce fut également lui qui définit le cinéma « comme l'art de faire faire de jolies choses à de jolies femmes ». Sa disparition dans la fleur de l'âge détermina l'éditeur à interrompre une aventure dispendieuse, car la revue était belle et coûtait cher. 1950 fut l'année de toutes les misères : prise en main de L'Écran français par les seuls communistes, fin de l'aventure du festival du Film maudit, arrêt de la Revue du cinéma. Mais la « revue jaune » renaît de ses cendres en 1951 : elle s'appelle désormais les Cahiers du cinéma.
Dirigée par Bazin, Jacques Doniol-Volcroze et Lo Duca, la revue va très vite devenir une référence incontournable, sinon incontestée. Elle demeurera dans l'histoire le creuset de la Nouvelle Vague, car ce sont dans ses colonnes que Jean-Luc Godard, François Truffaut, Claude Chabrol, Jacques Rivette et le grand aîné Éric Rohmer publieront des articles essentiels, contribueront à l'éducation du regard et élaboreront une nouvelle conception de l'art cinématographique à partir de l'exercice de la critique. Parrainée par Renoir et par Rossellini, la revue se rend célèbre, sous la double impulsion décisive de Truffaut et de Rohmer, par sa défense de Hawks et d'Hitchcock, auxquels il faut adjoindre divers autres cinéastes, comme Fritz Lang dans sa période américaine. La « politique des auteurs » est lancée : elle conditionne toute l'histoire de la cinéphilie. Dans sa version Cahiers du cinéma, ladite politique consiste à assimiler l'auteur au metteur en scène, plutôt qu'au scénariste ou au producteur. Ce qui semble évident ou naturel aujourd'hui ne l'était pas il y a un demi-siècle, et ne l'est d'ailleurs toujours pas aux États-Unis, où même les chaînes « cinéphiles » comme AMC n'annoncent jamais un film « de » (Alfred Hitchcock) mais « avec » (Cary Grant et Eva Marie Saint).
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Marc CERISUELO : professeur d'études cinématographiques et d'esthétique à l'université de Paris-Est-Marne-la-Vallée
Classification
Autres références
-
ACTEUR
- Écrit par Dominique PAQUET
- 6 815 mots
- 2 médias
Aux débuts du cinéma, l'acteur ne paraît pas un instant différent de l'acteur de théâtre. Car ce sont les mêmes qui, dans les premiers films de Méliès, interprètent les textes classiques. De même, dans le cinéma expressionniste, la technique de monstration et de dévoilement de l'expression appartient... -
AFRICAINS CINÉMAS
- Écrit par Jean-Louis COMOLLI
- 1 131 mots
L'histoire des cinémas africains se sépare difficilement de celle de la décolonisation. Il y eut d'abord des films de Blancs tournés en Afrique. Puis, à partir des années soixante, les nouveaux États africains ont été confrontés au problème de savoir quel rôle, quelle orientation, quels...
-
ALLEMAND CINÉMA
- Écrit par Pierre GRAS et Daniel SAUVAGET
- 10 274 mots
- 6 médias
Le cinéaste Volker Schlöndorff a suggéré que l'histoire du cinéma allemand était faite d'une série de ruptures esthétiques mais aussi d'une grande continuité dans le domaine de l'industrie cinématographique. L'alternance entre les phases les plus inventives, comme celles des années 1918-1933, voire...
-
AMENGUAL BARTHÉLEMY (1919-2005)
- Écrit par Suzanne LIANDRAT-GUIGUES
- 758 mots
L'œuvre d'écrivain de cinéma de Barthélemy Amengual est considérable, autant par sa quantité (une douzaine d'ouvrages et une multitude d'articles) que par l'acuité de son propos. Comparable aux meilleurs analystes français de sa génération (tels André Bazin ou Henri...
- Afficher les 100 références