CINÉMA (Aspects généraux) Le droit du cinéma
Aspects culturels du droit du cinéma
Les enjeux liés aux dimensions esthétiques, culturelles et morales du cinéma, en tant qu'œuvre de fiction diffusée en salle publique, expliquent aussi que, parallèlement aux dispositions économiques, subsistent dans tous les pays des régimes juridiques spécifiques assurant une régulation de sa diffusion, c'est-à-dire un contrôle a priori qui tient toujours de la censure, aussi libéral que soit devenu dans les faits son exercice. Plus récemment, en raison de la fragilité invoquée de la culture européenne ont été mis en place des mécanismes assurant la protection et la promotion d'un certain nombre de valeurs culturelles européennes à part entière ou présentées comme telles.
Liberté de création et censure
Les décrets des 25 juillet 1919 et du 7 mai 1935, puis l'ordonnance du 3 mai 1945 soumettent la représentation cinématographique à un régime d'autorisation préalable, en créant un régime de police administrative spéciale au bénéfice du ministre de la Culture. Ce système de censure préalable instauré à l'échelle national avait été précédé par de multiples interventions locales, au titre de la police des spectacles de curiosité (attractions foraines) auquel avait été rattaché le cinématographe naissant. Les maires ont toujours la possibilité d'user de leurs pouvoirs de police administrative pour limiter, voire interdire, des projections susceptibles de heurter la sensibilité de leurs administrés, ces décisions pouvant être contestées devant le juge administratif.
La police locale du cinéma
L'arrêt du Conseil d'État Société les films Lutetia, du 18 décembre 1959, a confirmé ce pouvoir du maire, même si le film a obtenu du ministre un visa d'exploitation sans restriction (un recours en excès de pouvoir avait été formé contre l'interdiction par le maire de Nice du film Le Feu dans la peau de Marcel Blistène). L'histoire du cinéma montre que les pressions provenant de petits groupes au sein d'une population locale aboutissent fréquemment à faire des maires les arbitres de la morale ou du bon goût. Dans un arrêt d'Assemblée du 19 avril 1963 (Société des films Marceau), le Conseil d'État a considéré comme suffisantes « les protestations émanant des milieux différents de la ville » pour conclure à l'existence d'un risque sérieux de trouble à l'ordre public. Le contrôle du bien-fondé des mesures municipales repose sur l'exigence de circonstances locales particulières. La jurisprudence la plus récente est claire, et finalement classique (Conseil d'État, 26 juillet 1985, Ville d'Aix-en-Provence). Il n'en reste pas moins que la variabilité des appréciations des facteurs liés aux « circonstances locales » laisse parfois dubitatif : le maire peut ainsi en appeler – et le juge peut, selon les lieux et les époques, le suivre – à la composition d'une population, à sa sensibilité politique et religieuse ou à la présence d'un grand nombre d'établissements scolaires, etc.
Le visa national d'exploitation
Selon l'ordonnance du 3 mai 1945, complétée par le décret du 23 février 1990 relatif à la classification des œuvres cinématographiques, le ministre dispose du pouvoir d'accorder une autorisation pour tous publics ou de limiter la capacité de projection. Dans ce cas, il peut prononcer une interdiction aux mineurs de 12 ans, ou aux mineurs de 16 ans, un classement X ou une interdiction totale. Plus récemment, le décret du 12 juillet 2001, puis le décret du 4 décembre 2003 ont ajouté une possibilité d'interdiction aux moins de dix-huit ans.
Le juge admettait à l'origine, ce qu'il ne fait plus, les motivations politiques comme, par exemple, dans un arrêt classique du Conseil d'État (24 juin 1949, Société des films Sirius). Aujourd'hui, ses[...]
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Écrit par
- Gaëlle ROMI : chargée d'enseignement
- Raphaël ROMI : professeur agrégé de droit public, doyen honoraire de la faculté de droit de Nantes
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