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CINÉMA (Aspects généraux) Les cinémathèques

La diversification des cinémathèques

Parallèlement, la notion de cinémathèque, ou d'archive, a évolué. Le problème de la conservation des films, voire de leur survie, est partout passé au premier plan. Les fonds archivés dans les années 1930, 1940 et 1950, dont le support nitrate dangereusement inflammable vieillit mal, se décomposent dans leurs boîtes et exigent pour le moins un transfert sur pellicule de sécurité, et souvent un travail coûteux de restauration.

Par ailleurs, sous l'effet de la multiplication des chaînes de télévision thématiques, le statut même des films anciens a été bouleversé. En 1950, les bobines se vendaient au poids à des industriels qui récupéraient les sels d'argent de l'émulsion et la cellulose du support. Après 1980, ces mêmes films que les cinémathèques ont sauvés retrouvent une valeur marchande, que souvent les ayants droit revendiquent. À la fin du xxe siècle se sont rapidement constitués des portefeuilles de droits « multimédias », qui ont pour vocation de rentabiliser le patrimoine cinématographique sur le marché du cinéma, mais surtout sur celui de la télévision, des vidéocassettes et des DVD, et bientôt sur celui d'Internet.

La cinéphilie n'est plus cette exploration lente et désordonnée du passé du septième art, lorsqu'il fallait dix ans et une attention constante au programme de la Cinémathèque et de quelques salles d'art et essai à l'heureux Parisien (le provincial étant encore plus mal loti) pour voir l'œuvre à peu près complète d'un vieux maître américain ou japonais. Le temps est révolu des voyages de groupe à la Cinémathèque de Bruxelles pour découvrir deux inédits d'Edgar G. Ulmer. La télévision, relayée par les vidéocassettes a changé les règles du jeu. Dans les grandes villes, des institutions nouvelles (à Paris le Centre Georges-Pompidou ou le Forum des images), des salles commerciales et parfois des musées (Orsay, le Louvre, le Jeu de paume) programment eux aussi des films. L'accès au patrimoine cinématographique s'est diversifié ou démocratisé. La Cinémathèque, avec les deux salles qu'elle gérait au tournant du siècle (celle de Chaillot et celle des Grands Boulevards), avait perdu la dimension initiatique qui avait fasciné Chris Marker.

Les cinémathèques en général sont passées de l'âge mythique à un âge quasi industriel. Tantôt sous l'effet du dépôt légal imposé aux films (en France, c'est le Service des archives du film qui depuis 1978 stocke et conserve les films sur support photochimique : 3 770 longs-métrages déposés à la fin de 2000), tantôt parce qu'une décision politique (au Québec par exemple) les chargeait d'accueillir aussi les archives de la télévision publique, elles se sont alourdies et bureaucratisées. Elles se sont également multipliées et diversifiées : cinémathèques régionales, cinémathèques thématiques ou cinémathèques d'entreprise se sont ajoutées, en France, aux cinémathèques « historiques » : la Cinémathèque française, la Cinémathèque de Toulouse, créée en 1964 par Raymond Borde à partir d'une collection privée et accueillie à la F.I.A.F. en 1965, ou la Cinémathèque des armées, gérée par l'Établissement cinématographique et photographique des armées (E.C.P.A.) au fort d'Ivry.

Les célébrations du centenaire du cinéma, en 1995 et 1996, ont fourni un observatoire privilégié sur les archives, cinémathèques et collections actives telles qu'elles se présentaient à la fin du « premier siècle ». À Paris, la Cinémathèque française invita une quinzaine d'institutions à participer activement (par l'envoi de quelques-uns de leurs trésors) à un hommage à l'art du film. Les grandes archives européennes étaient évidemment représentées, la National Film and Television Archive du British Film Institute, la[...]

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Écrit par

  • : professeur d'histoire, historien de cinéma, président de l'Association française de recherche sur l'histoire du cinéma

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