- 1. Septième art et « photoplay »
- 2. Photogénie, drame visuel et pensée (l'avant-garde française)
- 3. Visage et image (autour de l'expressionnisme)
- 4. Puissances du montage (l'école soviétique)
- 5. Cinéma et technique
- 6. Réalisme ontologique et homme imaginaire
- 7. Autonomie de la théorie
- 8. Bibliographie
CINÉMA (Aspects généraux) Les théories du cinéma
Réalisme ontologique et homme imaginaire
C'est en tant que reproduction, grâce au privilège qu'offre le cinéma de la rencontre avec l'actuel et le présent des hommes (Rossellini), ou comme négation d'un moyen de reproduction et d'information (Welles), que des ruptures se produisent au commencement des années quarante. Le moment affirmatif, inventif, des débuts du cinéma et l'unanimisme des années trente sont morts avec la guerre. Rossellini comme Welles semblent implicitement se demander dans leurs films : « Qu'est-ce que le cinéma ? ». Cela seul rapproche deux démarches autrement ennemies. La même question sera formulée par André Bazin (1918-1958), qui la léguera à ses disciples de la nouvelle vague. Ceux-ci en feront explicitement le centre de leurs films.
La photogénie et la cadence pour Delluc, le ciné-œil et le ciné-vérité pour Vertov n'avaient rien d'un oubli de la technique et d'une grâce de la présence. André Bazin se réclame d'une essence originaire et méconnue : il veut un cinéma libéré de l'esthétique et du style, et fondé sur ce qu'il appelle le « réalisme ontologique de l'image photographique » (1945). C'est, enfin, la révélation de la nature sans l'homme. Le hasard et la nature ont plus de talent que les cinéastes : cette leçon ne sera pas oubliée par Jacques Rivette, Jean-Luc Godard, Eric Rohmer et d'autres. Bazin est le premier à écrire une esthétique du cinéma parlant, car même la profondeur de champ et le plan-séquence (où il voit l'aboutissement du réalisme ontologique, tandis que le montage serait une manipulation subjective et idéologique des images) n'ont réalisé toutes leurs possibilités qu'avec le son. Le cinéma, pour Bazin, répond à un désir anthropologique : la défense contre la mort, le sauvetage de l'être par l'apparence. Le cinéma, c'est la momie du changement. Sur l'écran se révèle l'image de la durée. C'est pourquoi Bazin ne veut pas de coupure, de mise à mort, mais un montage invisible et même interdit. Ainsi se recrée, par la reproduction, la durée de ce qui a été devant la caméra : une sorte d'aura d'emprunt, obtenue grâce à l'unicité de la trace. Cette révélation de la durée, ce réalisme ontologique, est d'ordre spirituel. Et Bazin n'hésitera pas à valoriser des films qui n'ont rien à voir avec le réalisme, qu'il soit ontologique ou non.
Par contre, pour certains théoriciens du néo-réalisme, qui iront jusqu'à rejeter Visconti, ou pour Siegfried Kracauer (1899-1966) dans Theory of Film (1960), la « rédemption de la réalité physique » par la photographie devient une norme qui permet de juger ce qui est du cinéma et ce qui n'en est pas. Bien que, pour beaucoup de théoriciens, cette « réalité cinématographique » soit elle-même un leurre qui obéit à d'autres fantasmes.
Pour Edgar Morin (né en 1921), le cinéma a pris son essor par-delà la réalité (Le Cinéma ou l'homme imaginaire, 1957). Sa partie imaginaire se confond avec notre substance obscure, et dans le ciel de nos rêves trouve place l'infini de ses étoiles : les « stars ». La photogénie ne proviendrait même que du caractère hallucinatoire de la perception cinématographique, du charme de l'image, de sa présence d'absence, de sa dimension magique et du pouvoir d'identification, d'aliénation, qu'elle implique. Non seulement tout cela sera repris, dans d'autres perspectives, par Metz et Baudry, mais ce qu'on pourrait appeler l'« antinomie » entre Bazin et Morin (proche du « débat » Lumière-Méliès...), qui déterminait déjà les débuts de Welles, comme l'antinomie entre fiction et document, réalité et imaginaire, fable et discours, ou bien l'opposition entre Hollywood[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Youssef ISHAGHPOUR : écrivain
Classification
Médias
Autres références
-
ACTEUR
- Écrit par Dominique PAQUET
- 6 815 mots
- 2 médias
Aux débuts du cinéma, l'acteur ne paraît pas un instant différent de l'acteur de théâtre. Car ce sont les mêmes qui, dans les premiers films de Méliès, interprètent les textes classiques. De même, dans le cinéma expressionniste, la technique de monstration et de dévoilement de l'expression appartient... -
AFRICAINS CINÉMAS
- Écrit par Jean-Louis COMOLLI
- 1 131 mots
L'histoire des cinémas africains se sépare difficilement de celle de la décolonisation. Il y eut d'abord des films de Blancs tournés en Afrique. Puis, à partir des années soixante, les nouveaux États africains ont été confrontés au problème de savoir quel rôle, quelle orientation, quels...
-
ALLEMAND CINÉMA
- Écrit par Pierre GRAS et Daniel SAUVAGET
- 10 274 mots
- 6 médias
Le cinéaste Volker Schlöndorff a suggéré que l'histoire du cinéma allemand était faite d'une série de ruptures esthétiques mais aussi d'une grande continuité dans le domaine de l'industrie cinématographique. L'alternance entre les phases les plus inventives, comme celles des années 1918-1933, voire...
-
AMENGUAL BARTHÉLEMY (1919-2005)
- Écrit par Suzanne LIANDRAT-GUIGUES
- 758 mots
L'œuvre d'écrivain de cinéma de Barthélemy Amengual est considérable, autant par sa quantité (une douzaine d'ouvrages et une multitude d'articles) que par l'acuité de son propos. Comparable aux meilleurs analystes français de sa génération (tels André Bazin ou Henri...
- Afficher les 100 références