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CINÉMA (Aspects généraux) Les théories du cinéma

Autonomie de la théorie

Avec Jean Mitry (1904-1988), la théorie tend à devenir une fin en soi (Esthétique et psychologie du cinéma, 1963-1965). Un cinéaste, un théoricien des débuts ou un critique lié à une école pouvaient opposer un cinéma à un autre comme la vérité au mensonge. La théorie se doit au contraire d'être universelle, d'accepter la pluralité évidente des écoles et des films. Elle sera inséparable, chez Mitry, de l'histoire du cinéma. Son esthétique se veut systématique, exhaustive, synthétique. Contre Bazin, il soutient la différence entre l'image-analogon et l'image- signe, et il élabore la première théorie du signe et de la signification au cinéma, sans vouloir assimiler, même par analogie, l'image visuelle et les structures filmiques avec le langage verbal, comme ce sera la tentation de la sémiologie, contre laquelle Mitry écrira son dernier livre.

À partir des années soixante se produit un clivage entre la théorie et la pratique du cinéma. D'une part, ce sont les cinéastes eux-mêmes qui thématisent les relations entre réalité, fable et discours, ou les questions théoriques au centre de leurs films. De l'autre, à l'intérieur des universités, les théories naissent les unes des autres et s'attachent à définir leur champ respectif. La théorie s'autonomise alors en parlant de théorie. Ainsi Christian Metz commence son œuvre critique par une réflexion sur la théorie esthétique de Mitry. Il serait cependant faux de croire que cette multiplicité de théories et de recherches pures, en quête de respectabilité « scientifique » et de méthodes « claires et rigoureuses », reste sans rapport avec les nouvelles recherches des cinéastes. Lorsque, avec sa « grande syntagmatique du film narratif » (1966), Metz se propose de formaliser les codes implicites au fonctionnement du cinéma classique, Jean-Luc Godard déconstruit de tels codes à l'intérieur de ses œuvres. Les problèmes d'énonciation ou la logique du récit sont ceux-là mêmes qui font l'objet des films. La sémiologie du cinéma prendra diverses formes : psychanalyse, formalisme russe, philosophie déconstructive, narratologie, histoire, etc. Son importance essentielle consiste dans l'« analyse textuelle », la recherche dans le détail des structures de fonctionnement des films.

Mais la « lecture du film » et ses différents modes ne sont pas les seules approches théoriques de ces années. Praxis du cinéma (1967), de Noël Burch, prend le cinéma à la racine, au niveau des articulations d'espace-temps, du champ et du hors-champ, avec l'espoir de voir les films s'engendrer, comme dans la théorie formaliste, du simple au complexe, à partir de cellules de base et de règles posées au départ. Ce qui est en cause ici, avec le montage et le cadre, comme dans toutes les recherches des cinéastes autour de la représentation et de la distanciation, c'est bien l'« impression de réalité », et avec elle la réflexion poursuivie par Bazin. La revue Cinéthique dénoncera cette impression comme un effet idéologique de la caméra. Grâce à la lecture de l'œuvre de Lacan, la psychanalyse permet de renouveler les recherches, menées en ordre dispersé, mais pointues et toujours actuelles, sur le plan, le montage, le hors-champ et la suture, la profondeur, la technique et l'idéologie, la relation du spectateur à l'écran et la fiction, le direct, la représentation, etc. Pour quelques années, Les Cahiers du cinéma retrouveront aussi la grande richesse théorique. Tout dans le cinéma est ainsi remis en question et repensé à nouveau, avec une conscience aiguë de ce qui se réalise en même temps dans les films.

Le reflux des années quatre-vingt a mis fin à une époque riche en films et en théories. Chez Gilles Deleuze (1925-1995) c'est, avec l' Image-mouvement[...]

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Médias

Antonin Artaud dans <it>La Passion de Jeanne d'Arc</it> - crédits : Henry Guttmann/ Getty Images

Antonin Artaud dans La Passion de Jeanne d'Arc

Eisenstein - crédits : Hulton-Deutsch Collection/ Corbis/ Getty Images

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