CHINOIS CINÉMA
Cinéma de combat
1931 marque un tournant : en septembre, les Japonais envahissent le nord-est du pays ; au cours de l’été, les communistes ont créé dans les montagnes une république des Soviets de Chine ; parallèlement, ils se livrent dans les villes à une intense agitation ; ils sont particulièrement actifs dans les associations dites « de l’aile gauche » où les intellectuels de Shanghai se sont regroupés profession par profession l’année précédente. Elles seront autant de lieux de ferment patriotique après l’invasion japonaise.
À la pointe de l’action, les cinéastes ont, dès 1930, créé leur propre organisation, ramifiée dans toutes les sociétés de production shanghaiennes, malgré la censure gouvernementale instituée le 1er janvier ; en février, le scénariste Hong Shen, formé aux États-Unis, intervient en pleine projection contre le film américain Welcome Danger, qui humilie les Chinois ; née en juillet, la revue L’Art du film (qui cesse de paraître après le quatrième numéro) accuse les capitaux américains d’être responsables de la crise qui affecte le cinéma national. De fait, quatorze studios disparurent à Shanghai en 1935 alors que plusieurs avaient déjà été détruits en même temps que seize des trente-neuf salles de cinéma de la ville par le bombardement japonais du 28 janvier 1932 ; par dizaines, les sociétés cinématographiques déposaient leur bilan...
En dépit de toutes ces difficultés apparaissent, dès 1933, les premiers films ayant un contenu social accusé ; ils mettent en scène toutes les classes de la population chinoise jusqu’alors ignorées des cinéastes. La première du Torrent impétueux de Chen Bugao, le 5 mars 1933, est particulièrement agitée, et le gouvernement réagit en établissant des listes noires de films interdits, en suscitant les raids terroristes de ses « Chemises bleues » sur les studios suspects, en procédant à des arrestations de cinéastes et à des suspensions de tournages. Sa répression s’exacerbe d’autant plus que ces films d’un type nouveau sont extrêmement populaires : quatre-vingt-quatre jours d’exclusivité en 1934 à Shanghai pour Le Chant des pêcheurs de Cai Chucheng ! Aux films « sociaux » s’ajoutent en nombre croissant les films appelant à la résistance contre l’agression japonaise. Ils sont également victimes des rigueurs de la censure. Seule l’extension de la guerre va les légitimer, mais dans quelles conditions ! Avec les prises de ces villes, les studios de Pékin et de Shanghai tombent en 1937 aux mains des Japonais qui les utiliseront à leurs propres fins, comme ils le font avec le studio de Changchun qu’ils ont bâti en 1933 dans le Nord-Est chinois (deux cents films réalisés jusqu’à leur défaite de 1945), comme ils le feront à Nankin. Le monde cinématographique chinois se disperse : certains de ses membres gagnent Hong Kong encore libre, d’autres créent des groupes de théâtre qui essaiment dans les campagnes. La production reprendra brièvement à Hankeou, puis Chongking, où se replie successivement le gouvernement devant l’avance ennemie. Il n’existe plus alors que six villes, comptant à peine une cinquantaine de salles, où les projections de films peuvent encore se poursuivre.
Au terme de leur Longue Marche, les communistes ont choisi pour capitale la petite ville de Yanan. En 1938, l’acteur et réalisateur Yuan Muzhi y crée un groupe cinématographique qui, en dépit de maintes difficultés, tourne en 1939 son premier long métrage, le documentaire Yanan et la VIIIe armée de route ; suivront une vingtaine de productions qui constituent autant de témoignages historiques précieux, maintes fois utilisés depuis pour des films de montage, tant en Chine qu’à l’étranger. C’est à Yanan que Mao Zedong définit en 1942 l’art et la littérature socialistes comme devant être avant tout « utilitaires » (au service[...]
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Écrit par
- Régis BERGERON : journaliste, écrivain, historien du cinéma chinois
- Adrien GOMBEAUD : journaliste
- Charles TESSON : critique de cinéma, maître de conférences en histoire et esthétique de cinéma, université de Paris-III-Sorbonne nouvelle
Classification
Média
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