CHINOIS CINÉMA
Cinéma d’État
Celui-ci dès 1952 est entièrement un cinéma d’État, placé sous la double tutelle d’un bureau cinématographique intégré au ministère de la Culture et de la section de propagande du comité central du Parti communiste. Le degré d’autonomie des divers studios variera selon les époques. Son efficacité se mesure à quelques chiffres : dès 1952, répondant au souci constant des autorités d’intéresser les populations rurales à la construction d’une société nouvelle, on a mis sur pied des centaines d’équipes mobiles de projection, surtout à destination rurale, ce qui porte à 2 282 le nombre des unités de projection (salles et équipes itinérantes) et à 600 millions celui des spectateurs. Très vite, l’hégémonie des films américains va disparaître ; ils recevront le coup de grâce à la faveur de la guerre de Corée. La production nationale doit s’accroître d’autant pour satisfaire le nouveau public gagné au cinéma par la multiplication des équipes de projection et l’ouverture de nouvelles salles dont la fréquentation est favorisée par un prix d’entrée dérisoire (voire par la gratuité dans maintes zones rurales).
Depuis, l’histoire du cinéma chinois s’est déroulée par sauts et par bonds qui ne se sont pas toujours effectués en avant. On n’a jamais dépassé, avant 1984, une production annuelle de cent trois films de fiction comme en 1958, et plus de la moitié des studios (trente-trois) en activité cette même année ont disparu depuis, sans qu’on puisse toutefois parler de régression puisque l’industrie cinématographique représentait 400 000 emplois à la fin de 1979. Certains progrès ont été réalisés avec peu de retard sur l’évolution technique du cinéma mondial : la Chine produit en effet en 1953 son premier film en couleurs, en 1959 son premier film en cinémascope, l’année suivante son premier film stéréoscopique. Cette progression toutefois s’effectue en dents de scie. Si les difficultés économiques ne sont pas étrangères à ce phénomène, il faut surtout en chercher la responsabilité dans l’histoire politique agitée des trente dernières années. Le pouvoir politique a toujours porté un intérêt sourcilleux à la production cinématographique ; il lui trace périodiquement, comme aux autres arts, des limites dans lesquelles on peut certes débattre des problèmes spécifiques à l’écriture cinématographique, mais la maîtrise de la technique et l’esthétique comptent moins que le contenu de l’œuvre, le politique prime tout. Il guide d’abord le choix du sujet : 75 p. 100 des six cent soixante-treize films de fiction réalisés de 1949 à 1966 (comparer ce chiffre avec celui de deux mille films tournés entre 1905 et 1949 selon le recensement de l’historien Cheng Jihua) s’inspirent de trois thèmes principaux : la révolution chinoise, la construction de la nouvelle société socialiste, l’histoire de la Chine. Remarquable permanence, au-delà des vicissitudes du cinéma chinois : ce sont les mêmes thèmes que souhaite voir traiter, dans les mêmes proportions, le vétéran Xia Yan – dont le rôle fut déterminant dans l’évolution du cinéma dès les années trente, mais aussi de 1949 à 1965 – lorsqu’il intervient pour la première fois publiquement après la révolution culturelle qui l’a cruellement persécuté (dans Cinéma populaire, févr.-mars 1979).
Aussi n’est-il pas étonnant qu’un film agisse comme révélateur des contradictions du parti ou, plus généralement, de la société, et qu’il déclenche une campagne politique démesurée au regard du sujet proprement cinématographique. Dès la deuxième année du nouveau régime, deux films ouvrent ainsi des débats de longue portée : La Vie de Wuxunet Histoire secrète de la cour des Qing, en raison des implications immédiatement contemporaines de leur sujet, bien qu’il soit emprunté à l’histoire.[...]
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Écrit par
- Régis BERGERON : journaliste, écrivain, historien du cinéma chinois
- Adrien GOMBEAUD : journaliste
- Charles TESSON : critique de cinéma, maître de conférences en histoire et esthétique de cinéma, université de Paris-III-Sorbonne nouvelle
Classification
Média
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