CHINOIS CINÉMA
À l’écoute des mutations
La renaissance du cinéma chinois avait commencé en mai 1978, avec la réouverture de l’Académie du cinéma de Pékin, fermée pendant la révolution culturelle. La première promotion accueillera Zhang Yimou (section photo) et Chen Kaige (section réalisateur), figures majeures de la cinquième génération. Le choc de la découverte en 1985 au festival de Locarno du film Terre jaune de Cheng Kaige, dont la photo est signée Zhang Yimou, associée à celle du cinéma de Hong Kong, avec les films de Tsui Hark, et de Taïwan, avec Les Garçons de Fengkwei de Hou Hsiao-hsien, contribue à placer la Chine au cœur du renouveau du cinéma asiatique. Les deux premiers films de Chen Kaige touchent aux symboles de la Chine populaire, à savoir l’armée (La Grande Parade, 1986) et le monde rural, où l’onde de la révolution est perçue de manière lointaine (Terre jaune, 1985). Le réalisateur évoluera ensuite vers des films plus personnels, conciliant tradition culturelle chinoise et écriture exigeante, rétive au spectaculaire, mais néanmoins esthète (Le Roi des enfants, 1987 ; La Vie sur un fil, 1991 ; Adieu ma concubine, 1992). De son côté, plus habile à répondre aux divers mots d’ordre du cinéma chinois, Zhang Yimou se fait remarquer avec Le Sorgho rouge (1987), qui révèle Gong Li, avant de connaître le succès grâce à Épouses et concubines (1991), de facture classique et judicieux dosage entre critique de la tradition et enjolivement de son pittoresque exotique. Si Zhang Yimou est convaincant lorsqu’il décrit l’entêtement d’une paysanne (Gong Li) qui exige réparation auprès du gouvernement pour son mari blessé (Qiu Ju, femme chinoise, 1992, son meilleur film), il se montre plus maladroit dès qu’il tente de redorer le blason du cinéma de Shanghai (Shanghai Triad, 1995) en essayant de rivaliser avec la comédie musicale et le film de gangsters américain.
Les cinéastes de la sixième génération, apparus au début des années 1990, sont un peu les « enfants de Tiananmen », dans la mesure où ils se sont forgé une conscience politique à la lueur de ce drame, à la façon dont ceux de la génération précédente ont grandi à l’ombre de la révolution culturelle et du dégel qui a suivi. Longtemps écartés des studios officiels qui se méfiaient de cette génération jugée rebelle, les cinéastes ont été condamnés à la clandestinité : tournages sans autorisation, financement de l’étranger, envoi des films dans les festivals sans l’accord du Bureau du cinéma. Très vite, le gouvernement chinois s’est trouvé devant une contradiction insoluble, avec d’un côté des films officiels, à la propagande devenue désuète, que le public chinois ne veut plus voir, et de l’autre des films marginaux, invisibles en Chine, mais qui assurent sa notoriété à l’étranger. Pour endiguer la chute de la production et la baisse de la fréquentation, en raison notamment du piratage, le gouvernement autorise des financements privés tout en gardant le contrôle du contenu. De cette fausse ouverture (un producteur privé finance un film sans être sûr de récupérer sa mise, si la censure interdit sa diffusion) va naître un film exceptionnel, Les Démons à ma porte (1999), de l’acteur-réalisateur Jiang Wen. Il s’agit d’une féroce critique du comportement veule des Chinois à la fin de l’occupation japonaise. Interdit de cinéma depuis lors, le très populaire Jiang Wen a repris ses activités théâtrales.
Si plusieurs cinéastes ont ouvert la voie, en particulier Zhang Yuan (Les Bâtards de Pékin, 1993 ; La Place, 1994), il revient à Jia Zhangke, alors âgé de moins de trente ans, d’offrir avec Xiao°Wu, artisan pickpocket (1997) le film phare de sa génération, esthétiquement (approche documentariste du réel, à l’opposé de l’académisme léché de ses aînés) et politiquement. Alors que la Chine s’ouvre à l’économie de marché,[...]
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Écrit par
- Régis BERGERON : journaliste, écrivain, historien du cinéma chinois
- Adrien GOMBEAUD : journaliste
- Charles TESSON : critique de cinéma, maître de conférences en histoire et esthétique de cinéma, université de Paris-III-Sorbonne nouvelle
Classification
Média
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