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CINÉMA (Cinémas parallèles) Le cinéma d'avant-garde

Francs-tireurs et passeurs

L’arrivée du cinéma parlant marque un arrêt dans l’évolution des avant-gardes historiques essentiellement françaises et allemandes. Désormais, faire un film coûte cher, et les œuvres d’avant-garde, constituées en majorité de courts-métrages produits par des mécènes, comme Marie-Laure et Charles de Noailles, ne peuvent trouver de financements. De plus, la parole rapproche davantage encore le film du théâtre, et les recherches formelles, courantes même dans les films industriels, tendent à disparaître. En septembre 1929 se tient, au château de La Sarraz (Suisse), le premier Congrès international du cinéma indépendant (CICI) qui réunit la plupart des critiques et cinéastes qui ont marqué la décennie dans ce domaine. Entre autres innovations, le but des congressistes était de fonder une infrastructure de type coopératif (celle-ci fut effectivement créée puis dissoute un an plus tard) qui facilite la circulation des œuvres d’avant-garde de par le monde. Le contexte économique défavorable lié au parlant, le durcissement des régimes politiques en Allemagne et en URSS représentaient alors des obstacles de taille, sans oublier les vives réserves formulées par les cinéastes et théoriciens de gauche (Eisenstein, Moussinac, Balázs, Walter Benjamin) quant à l’existence d’un cinéma indépendant en régime capitaliste. Les idées émises lors de ce congrès allaient être mises en pratique bien plus tard.

Si les deux grandes capitales de l’avant-garde historique ne produisent presque plus rien dans les années 1930, il serait abusif de considérer cette période comme un no man’s land. Le tournant de la décennie voit apparaître des courants avant-gardistes dans d’autres pays : la Belgique, avec Henri Storck (Images d’Ostende, 1929 ; Une idylle à la plage, 1931), Charles Dekeukeleire (Combat de boxe, 1927 ; et, surtout, Impatience, 1928, qui paraît esquisser déjà quelques aspects du cinéma underground et structurel des années 1960 en montrant l’évolution d’une femme nue dont les mouvements sont exécutés d’après un schéma rythmique préétabli, démarche qui rompt avec les collages plus ou moins improvisés de l’avant-garde française) ; les Pays-Bas, avec Joris Ivens à ses débuts (Études et mouvements, 1928 ; Le Pont, 1929) ; la Grande-Bretagne, avec un pionnier du film détourné, Adrian Brunel (Crossing the Great Sagrada, 1924), et un autre de ses ressortissants, Kenneth MacPherson, établi en Suisse, qui annonce le cinéma expressionniste-freudien d’un Stephen Dwoskin (Wing Beat, 1927 ; Borderline, 1930), a édité, en Suisse avec ses amis du Pool Group, une revue de réflexion sur le cinéma, Close up (1927-1933), qui a fait date.

De 1927 à 1934, une première avant-garde apparaît aux États-Unis : The Life and Death of 9413, A Hollywood Extra (Robert Florey et Slavko Vorkapich, 1927), The Fall of the House of Usher (Melville Webber et J. S. Watson, 1928), A City Symphony (Herman G. Weinberg, 1928), A Bronx Morning (Jay Leyda, 1929), La Cartomancienne (Jerome Hill, 1932), Lot in Sodom (M. Webber et J. S. Watson, 1933) en sont autant de témoignages. Si ce courant est nettement influencé par l’avant-garde française, ses représentants, fait nouveau, ne sont plus des artistes mais des critiques et des cinéastes. Ces réalisateurs sont issus de groupes de cinéma amateur très présents alors sur le territoire.

D’autres indépendants singuliers émergent dans les années 1930, tels le Néo-Zélandais Len Lye (Color Box, 1935, peint sur la pellicule) et le Canadien d’origine écossaise Norman McLaren : dans Dots et Loops (1940), les images et les sons sont directement gravés sur la pellicule. Loin des modes, ces hommes vont accomplir un travail acharné et solitaire pendant des décennies. L’animation abstraite, ou cinéma graphique, connaît alors une effervescence créatrice aux États-Unis. Mary[...]

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Le Sang d'un poète, J. Cocteau - crédits : Sacha Masour/ Moviepix/ Getty Images

Le Sang d'un poète, J. Cocteau

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