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CINÉMA (Cinémas parallèles) Le cinéma d'avant-garde

L’hégémonie américaine

Vers un nouveau cinéma expérimental

Bien que la réalisation désordonnée de petits films expérimentaux ne se soit jamais arrêtée aux États-Unis, l’apparition sur la scène intellectuelle de Maya Deren avec sa célèbre trilogie autobiographique, Meshes of the Afternoon, At Land (1944) et Ritual in Transfigured Time (1946), suivie de la publication immédiate de deux livres (Cinema as an Art Form et An Anagram of Ideas on Art, Form and Film), marque la naissance de l’avant-garde contemporaine, cette fois-ci majoritairement américaine et formaliste. Les films de Maya Deren ainsi que ceux de ses pairs, Curtis Harrington (Fragment of Seeking, 1947), Sidney Peterson (The Cage, 1947), James Broughton (Mother’s Day, 1948), Gregory Markopoulos (Psyché, 1948), Kenneth Anger (Fireworks, 1947) – les deux derniers évolueront et deviendront des phares du cinéma underground –, ne sont pas encore très radicaux. Jean Mitry les classe d’ailleurs sous la catégorie « surréalisme USA » (Le Cinéma expérimental, histoire et perspectives). Ce n’est qu’en partie exact, d’une part parce qu’ils se situent dans la lignée de Cocteau plus que de Breton, et d’autre part parce que ces jeunes gens se veulent uniquement cinéastes et expriment leur moi profond (ils jouent eux-mêmes dans leurs films) plutôt que les préceptes d’une école. Leur cinéma est plus expérimental que d’avant-garde ; désormais ces réalisateurs vont travailler entre eux, comme dans un laboratoire, jusqu’à se forger une identité propre.

Le théoricien P. Adams Sitney façonne, pour caractériser ces œuvres, la notion de « films de transe » : « J’entends par films de transe, ces films subjectivistes dans lesquels un personnage se meut dans un contexte menaçant, comme s’il était en transe, à la recherche d’une épiphanie d’identité sexuelle » (Une histoire du cinéma). Sitney met au point, au cours des années 1960 et 1970, toute une typologie visant à créer un corpus linguistique spécifique au cinéma expérimental.

Jonas Mekas - crédits : Wei Gao, 2018

Jonas Mekas

Sous l’effet de l’action painting, de la littérature beatnik, du jazz, du rock, de l’émergence de la culture gay, le cinéma expérimental américain des années 1950 va changer. À New York, l’émigré lituanien Jonas Mekas accumule dans des boîtes les centaines de mètres de pellicule qu’il tourne sur ses compatriotes, ses amis, la bohème new-yorkaise. Il fonde en 1955 avec son frère Adolfas la revue Film Culture, qui défendra jusqu’en 1962 surtout le cinéma d’auteur (Orson Welles ou la nouvelle vague française) avant de devenir un des bastions du cinéma underground. On y croise l’inclassable Ed Emshwiller, qui évoluera par la suite vers l’art vidéo, mais aussi des personnalités comme Ken Jacobs, Jack Smith et les frères Kuchar, qui vont marquer l’underground par leur esprit ludique et décadent, « baudelairien », dira Mekas.

Des figures marquantes du cinéma américain comme le maître de l’abstraction géométrique Robert Breer ou bien Kenneth Anger s’installeront en France dans les années 1950 : leurs films appartiennent pourtant au patrimoine américain. Par ailleurs, l’apport de deux étrangers, l’Autrichien Peter Kubelka, précurseur du cinéma structurel (Arnulf Rainer, 1959-1960), et le Canadien Michael Snow, un des praticiens les plus connus de cette tendance (Wavelengh, 1967 ; La Région centrale, 1971), viendra enrichir le cinéma expérimental américain.

Deux cinéastes, Bruce Conner et Stan Brakhage, vont rompre avec le langage postsurréalisant de la première vague américaine et créer des esthétiques typiques du New American Cinema, qui seront reprises un peu partout dans le monde. Leurs référents culturels sont pourtant opposés. Bruce Conner, un des pionniers du cinéma de found footage, mélange dans A MOVIE (1958) extraits d’actualités télévisées, bouts de films pornographiques,[...]

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Le Sang d'un poète, J. Cocteau - crédits : Sacha Masour/ Moviepix/ Getty Images

Le Sang d'un poète, J. Cocteau

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Jonas Mekas - crédits : Wei Gao, 2018

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