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CINÉMA (Cinémas parallèles) Le cinéma d'avant-garde

L’avant-garde moderne

Le mouvement s’internationalise

L’abandon d’une vision strictement évolutive de l’avant-garde aux États-Unis a permis à chaque nouvel artiste de prolonger une tradition : la voie baroque d’un Kenneth Anger (Scorpio Rising), le lyrisme visuel d’un Brakhage, la décadence du Warhol dernière manière (Chelsea Girls, 1966), les journaux filmés à la suite de Jonas Mekas (Walden, 1968), la pratique du found footage sur les brisées de Bruce Conner.

L’utopie des « deux avant-gardes » voulue par Wollen se réalise avec l’apparition de personnalités comme Yvonne Rainer, Marcel Hanoun ou le groupe Zanzibar autour de Jackie Raynal, Daniel Pommereulle, Serge Bard et Philippe Garrel à ses débuts, tandis qu’apparaissent dans de nombreux pays des courants nationaux qui ont du mal, jusqu’aux années 1980 et l’apparition du mouvement des laboratoires, de l’art vidéo puis du numérique, à se défaire de l’héritage américain ou du moins à se le réapproprier. On peut néanmoins mentionner les travaux du Suisse alémanique Hans Helmut Klaus Schoenherr (Robert Walser, 1978), de l’Argentine Narcisa Hirsch (Pink Freud, 1972) et du Vénézuélien Diego Risquez (Bolívar, sinfoníatropikal, 1984).

De nouvelles écritures ont vu le jour à un niveau international, comme le fétichisme sexuel chez le Néerlandais Frans Zwartjes (Bedsitters, 1974, qui n’est pas sans rappeler les romans d’un Charles Bukowski) proche du Britannique d’origine américaine Stephen Dwoskin (Central Baazar, 1975), l’animation fantasmagorique du Français Patrick Bokanowski (La Femme qui se poudre, 1972). La lutte contre les tabous sexuels a constitué aussi une des priorités de l’underground.

Sous l’influence de Kenneth Anger, Jack Smith, des plasticiens Gina Pane et Michel Journiac, un cinéma du corps (moins violent que celui des actionnistes viennois des années 1960, et que Dominique Noguez nomme « école du corps ») apparaît en France dans les années 1970 avec, entre autres, les travaux de Maria Klonaris, Katerina Thomadaki, Teo Hernández, Stéphane Marti, André Almuró et Lionel Soukaz.

Certains films expérimentaux migrent, à partir des années 1970, vers la sphère de l’essai. Dans Rameau’s Nephew’ by Diderot (Thanx to Dennis Young) by Wilma Schoen (Michael Snow, 1974), l’auteur s’éloigne de ses préoccupations formelles pures pour s’aventurer dans un film discoureur où la mise en abyme et la référence sont de mise. On doit non seulement reconnaître les participants (P. Adams Sitney, Nam June Paik), mais tout autant appréhender leurs positions dans le monde de l’art et du cinéma. Le cinéma expérimental connaît alors sa phase « postmoderne ». Le modèle du cinéma structurel demeure encore vivace. Lorsqu’il croise le cinéma des laboratoires des années 1990, il en découle une pratique qu’on peut nommer « cinéma expérimental abstrait ».

La division du corpus avant-gardiste en deux parties (l’avant-garde historique européenne et l’expérimental américain), qui a longtemps servi de modèle aux critiques internationaux, n’est plus opérante à partir des années 1980, quand ce cinéma s’internationalise et s’hybride. Des pays ou des continents étrangers aux codes de l’avant-garde (Afrique, Asie – à l’exception du Japon déjà présent dès les années 1920) s’y adonnent désormais grâce aux mutations induites par les nouvelles technologies, dans un fort contexte de mondialisation.

Le courant lettriste

Un mouvement artistique pluridisciplinaire voit le jour en France dès l’après-guerre : le lettrisme, pratiqué essentiellement par Isidore Isou et Maurice Lemaître (mais auquel ont aussi appartenu Gabriel Pomerand, Gil J. Wolman, Guy Debord, Roland Sabatier ou Frédérique Devaux), qui anticipe nettement sur le cinéma structurel américain et l’Expanded Cinema ou « cinéma élargi ». Les lettristes seront les[...]

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Le Sang d'un poète, J. Cocteau - crédits : Sacha Masour/ Moviepix/ Getty Images

Le Sang d'un poète, J. Cocteau

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