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CINÉMA (Cinémas parallèles) Le cinéma d'avant-garde

Expérimentations et art contemporain

Depuis la fin des années 1980, des rapprochements se sont faits entre le cinéma, l’art vidéo, puis l’art numérique naissant. Raymond Bellour établit, dans L’Entre-Images. Photo, cinéma, vidéo (livre et exposition, 1990), une théorie du « passage de l’image » qui va du support chimique au support numérique. Dominique Païni, critique et commissaire d’exposition, souhaite que le cinéma sorte de la salle obscure pour aller sur les cimaises : c’est le « cinéma exposé » auquel de nombreux cinéastes, de Jean-Luc Godard à Chantal Akerman en passant par Agnès Varda, se consacrent alors.

Godard, l’infatigable novateur, tient une place de choix dans ces évolutions, bien qu’il contourne à chaque fois écoles et doxas. Il est probablement, avec l’Allemand Alexander Kluge, le seul cinéaste à avoir parcouru, sur soixante ans et jusqu’à sa mort, quasiment toutes les pratiques du cinéma et de la vidéo. De la « fiction morcelée et cubiste » de ses débuts (À bout de souffle, 1960 ; Les carabiniers, 1963) au cinéma du remploiqui envahit peu à peu sa filmographie à partir des Histoire(s) du cinéma et ce jusqu’au Livre d’image (2018), en passant par les brûlots militants de 1968-1971 au sein du groupe Dziga Vertov, la vidéo intimiste (Numérodeux, 1975) et (ou) sociologique (FranceTour Détour Deux enfants, 1977-1978), le retour à la fiction avec la volonté d’être plus artiste que cinéaste (Prénom Carmen, 1983) ; enfin, les essais autobiographiques qui croisent en les enrichissant ses histoires du cinéma : JLG/JLG, autoportrait de décembre (1994). Godard transgresse souvent l’identité du cinéma pour aller vers l’exposition plasticienne : Voyage(s) en utopie, Jean-Luc Godard, 1946-2006, au Centre Georges-Pompidou (2006), en est un exemple. Ses derniers films sont expérimentaux dans tous les sens du terme.

Des échanges entre pratiques avant-gardistes se multiplient : tout au long de l’année 1999, la chaîne Arte diffuse, à raison d’une séance par mois, sous le titre Les Nuits de la pleine lune, des programmes mêlant cinéma expérimental et art vidéo. Philippe-Alain Michaud a conçu, au Centre Georges-Pompidou, sous le titre Le Mouvement des images (2006-2007), une exposition d’œuvres picturales, de sculptures, de photographies, d’installations mises en rapport et en perspective, à travers un choix important de films expérimentaux, à partir de quatre des paramètres fondateurs du cinéma : le défilement, la projection, le montage et le récit. Michaud suggère qu’en se rapprochant des arts plastiques, le cinéma expérimental pourrait trouver non seulement des réponses à ses quêtes identitaires mais aussi de meilleures conditions de diffusion. Plusieurs centaines de milliers de spectateurs ont visité cet accrochage des collections du Musée national d’art moderne et ont ainsi pu voir des films de Stan Brakhage, Rose Lowder, Yann Beauvais, mis en parallèle avec les collages de James Rosenquist, les tableaux de Francis Bacon ou les bronzes d’Alberto Giacometti. Au milieu des années 2000, le mouvement de restauration de films expérimentaux, de bandes d’art vidéo, d’œuvres numériques conçues avec des ordinateurs obsolètes rapproche encore un peu plus ces créations baptisées « nouveaux médias » sur la base de considérations patrimoniales.

Cette hybridation des supports et des formats s’accompagne d’une globalisation des pratiques issues du cinéma expérimental et de l’art vidéo dans des pays qui ne possédaient pas dans leur culture de traditions avant-gardistes. Ces procédés se généralisent à travers les œuvres d’artistes ayant étudié en Occident, mais pas seulement : Apichatpong Weerasethakul (Thaïlande), Sandy Ding (Chine), Pang-Chuan Huang (Taïwan), Bouchra Khalili (Maroc), Danielle Arbid (Liban), Ashish Avikunthak (Inde), Nazim Djemaï (Algérie), Mounir Fatmi (Algérie), Yeonjeong[...]

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Le Sang d'un poète, J. Cocteau - crédits : Sacha Masour/ Moviepix/ Getty Images

Le Sang d'un poète, J. Cocteau

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