CINÉMA (Cinémas parallèles) Le cinéma documentaire
L'origine du mot « documentaire » est incertaine. On peut noter son emploi dans des articles restés célèbres, mais sa première apparition en tant que substantif pour désigner une catégorie de films n'a pas été localisée avec précision. Ce n'est qu'avec l'apparition de Nanouk l'Esquimau (Robert Flaherty, 1922) qu'un nouveau mot se devait d'être employé. Il fut généralisé par Grierson en 1926. Avant les films au sens strict (des œuvres construites), les prises de vues documentaires étaient chose courante, puisqu'elles sont aux origines du cinéma lui-même, y compris avec les petits arrangements qu'on nommera plus tard « mise en scène ». Aujourd'hui, en tenant compte d'une histoire riche en enseignements, on peut réserver le terme « documentaire » aux œuvres élaborées dont le matériau initial est constitué des prises de vues réalisées au plus proche de l'expérience vécue (le « réel »). C'est à ce niveau qu'est le « document ». Comme le dit le commentaire de Toute la mémoire du monde, d'Alain Resnais (1956), « qui sait ce qui rendra le mieux compte de notre civilisation ? » En ce sens, l'une des meilleures définitions de ce genre cinématographique est celle de Jean Vigo : « un point de vue documenté ». Elle aurait évité le malentendu autour de l'expression « cinéma-vérité », en vogue dans les années 1960 : la vérité se revendiquait au niveau de la prise de vue.
Le documentaire est le mal-aimé de l'histoire du cinéma. Sa remontée en considération est récente, mais le mépris demeure souvent, à peine masqué. Les opérations de promotion, un peu embarrassées par cette réputation, ont souvent tenté de contourner le mot : on parle alors du « réel » (« Cinéma du réel » à Paris ; « Visions du réel », du festival de Nyons, en Suisse). On tente encore de le réhabiliter au moyen d’un label valant financement public en France (« Documentaire de création »), ou en l'insérant dans une expression qui inspire plus de respect : « Les États-généraux du documentaire » (à Lussas). Tous ces efforts, renforcés par le prestige de quelques grands documentaristes, ont fini par modifier en partie la situation, sans faire du documentaire (surtout en matière de distribution commerciale) un territoire du cinéma à part entière. La télévision, que sa vocation devrait conduire à une programmation équilibrée entre documentaire et fiction, favorise le reportage, forme journalistique du documentaire. Pour avoir accès à des travaux plus élaborés, il faut recourir à des canaux de moindre audience. Cette situation de diffusion liée à la consommation se retrouve dans la production, confinée dans des « réserves ».
Les « réserves » de production
Le documentaire ne bénéficie pas des attraits qui font le succès du cinéma dit de fiction, qu'il serait plus exact d'appeler cinéma romanesque, en raison de la part qu'il fait à l'intrigue et aux personnages, d'autant plus fascinants qu'ils sont incarnés par des acteurs réputés. Si le dédain dans lequel on tient le documentaire peut se justifier par un niveau souvent médiocre, on doit remarquer que le niveau tout aussi médiocre d'un grand nombre de films romanesques n'a jamais suscité pareil rejet de la part des circuits de distribution. Par définition, le documentaire ne peut s'accommoder de l'emploi d'acteurs en tant que substituts de personnages réels. S'il use à sa manière du récit, il ne peut guère avoir recours qu'exceptionnellement au suspense. La forme romanesque qui s'est le plus rapprochée du documentaire est le néo-réalisme italien de l'après-guerre, mais un acteur non professionnel reste un acteur, et un scénario, même fondé sur une intrigue[...]
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Écrit par
- Guy GAUTHIER : écrivain et critique de cinéma, ancien chargé de cours à l'université de Paris-VII-Denis-Diderot, docteur de troisième cycle, université de Paris-VII-Denis-Diderot
- Daniel SAUVAGET : économiste, critique de cinéma
Classification
Médias
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