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CINÉMA (Réalisation d'un film) Mise en scène

L'expressionnisme : la mise en scène comme art total

L'apogée de la mise en scène en tant qu'absolu a été atteint par un mouvement qui demeure un point de repère capital dans l'histoire du cinéma, l'expressionnisme allemand. Jamais la maîtrise sans partage du metteur en scène sur un monde de toiles peintes, de lumière et d'automates n'avait été affirmée, théoriquement comme pratiquement, de façon aussi manifeste que dans un film comme Le Cabinet du Dr Caligari de Robert Wiene (1919), qu'on le tienne pour précurseur ou inaugural. « Au cinéma, explique en 1926 Rudolf Kurtz, unique et tardif théoricien du cinéma expressionniste, le metteur en scène est le point central naturel où les différentes forces se rassemblent et où elles trouvent leur direction et leur position. Il est la caution d'homogénéité. » L'expressionnisme a en effet exacerbé le rôle du metteur en scène non seulement comme maître d'œuvre absolu, mais comme détenteur unique du sens du film que la forme (l'expression) a pour mission d'imposer au spectateur. Le film expressionniste implique la domination totale de l'espace cinématographique comme seul existant (seul producteur de sens), parfois ramené au pur espace scénique théâtral (ce qui entraîne la raréfaction du montage) et la sujétion totale du spectateur à sa volonté. C'est à cette époque que les studios de tournages deviennent « aveugles », entièrement coupés de la lumière du jour, donc du monde extérieur. Hitler et Goebbels, dit-on, admiraient Metropolis, de Fritz Lang (1926), qui présentait une ville totalement artificielle et futuriste, image virtuelle du monde nouveau à l'avènement duquel ils travaillaient. Rien d'étonnant à ce qu'ils aient proposé la direction du cinéma nazi au demi-juif qu'était Lang. La mise en scène n'est pas simplement affaire de choix esthétique : elle révèle clairement une attitude politique et idéologique. Avec Le Triomphe de la volonté, en 1934, la mise en scène du congrès du Parti nazi à Nuremberg et celle de Leni Riefenstahl se confondent. Dès ses derniers films allemands (M, le Maudit, 1931, et Le Testament du Dr. Mabuse, 1932) puis dans toute son œuvre américaine, Lang développera une thématique interne de la mise en scène comme « piège » et exercice d'un pouvoir impitoyable.

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Écrit par

  • : critique et historien de cinéma, chargé de cours à l'université de Paris-VIII, directeur de collection aux Cahiers du cinéma

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Médias

David O. Selznick - crédits : Alfred Eisenstaedt/ The LIFE Picture Collection/ Getty Images

David O. Selznick

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Georges Méliès

Alfred Hitchcock - crédits : Hulton Archive/ Getty images

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