- 1. Qu'est-ce que le montage ?
- 2. Origine du montage
- 3. Découpage, montage
- 4. Le montage narratif
- 5. Griffith, la coupe et la collure
- 6. L'avant-garde française : voir et sentir
- 7. L'avant-garde soviétique
- 8. Montage oblitéré, montage interdit
- 9. L'évolution du montage
- 10. Le montage virtuel marque-t-il un progrès esthétique ?
- 11. Bibliographie
CINÉMA (Réalisation d'un film) Montage
L'avant-garde soviétique
Les cinéastes soviétiques des années 1920 vont également faire du montage le centre de leurs préoccupations. En montant un même gros plan d'acteur face à des images différentes, Lev Koulechov démontre que le spectateur produit lui-même les liaisons entre les images et les sentiments qui en découlent. Une série de plans empruntés à des lieux ou à des corps différents montés ensemble donnent l'illusion d'un seul espace ou d'un seul corps qui n'existent que dans le film et dans l'esprit du spectateur. Vsevolod Poudovkine en déduit que le montage ne consiste pas à structurer des morceaux de réalité, que les images prélevées sur cette réalité perdent toute relation avec celle-là : une explosion filmée ne donne pas le sentiment d'explosion. Dans La Fin de Saint-Pétersbourg (1927), une construction bien agencée, à partir d'images sans rapport avec l'explosion, voire sans contenu (flashes blancs), crée seule la sensation de l'explosion. Mais c'est surtout Dziga Vertov et Sergeï Mikhaïlovitch Eisenstein qui donnent au montage, sous l'égide de la pensée marxiste, une fonction entièrement nouvelle : c'est une méthode (scientifique pour Eisenstein) d'analyse de la réalité et un instrument de pédagogie. Vertov croit à l'authenticité du « ciné-œil », « œil plus parfait que l'œil humain », mais le montage explique scientifiquement le fonctionnement de ce réel pris sur le vif (« fixation du processus historique »), et opère un « ciné-déchiffrement communiste du monde ». Pour cela, les « intervalles », écarts entre deux images successives ou à l'intérieur d'un même plan (dans le cas d'une surimpression, par exemple), doivent être perçus comme des sauts quasi dialectiques par le spectateur afin qu'il saisisse la différence entre la réalité et sa représentation, tout comme le travail d'analyse opéré. Par la suite, le spectateur pourra non seulement appliquer lui-même cette méthode à la vie quotidienne, mais également prendre conscience des mécanismes du cinéma et du monde réel.
Si Vertov rompt résolument avec le principe de la collure invisible au profit de la coupe, du saut, Eisenstein, lui, privilégie la collision, plus conforme à la dialectique marxiste. Dans la séquence de La Grève (1924), où il fait alterner les images de la répression des ouvriers avec celle des animaux égorgés aux abattoirs, le « montage des attractions » implique la mise en relation de deux séries d'images hétérogènes dans le temps comme dans l'espace. Plus la première sera éloignée de la seconde, voire contradictoire, plus l'impression sur le spectateur sera forte et engendrera un troisième terme, non contenu dans les deux premiers. La « ciné-dialectique » d'Eisenstein s'inspire des formalistes russes et de la linguistique structurale naissante : tel le mot, le plan n'a de sens que par son emplacement dans une suite de plans, la séquence ou le film entier. Le réalisateur, ou « ciné-monteur », est un « ingénieur des âmes ». Un montage est « fabriqué », tel le pont d'un ingénieur, en vue de supporter une certaine charge émotionnelle, de produire un effet précis sur le spectateur : le pathétique dans Le Cuirassé Potemkine, ou l'idée, comme dans Octobre. La « ciné-langue », « montage intellectuel » ou « vertical », court-circuite le processus « effet (de montage)-émotion-idée » pour passer directement du rapprochement de deux images, puisées dans un stock défini, tels les mots d'une langue, au concept. Le montage élabore alors une écriture idéographique dont la fonction demeure de « labourer » le psychisme du spectateur dans un sens déterminé.
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Écrit par
- Joël MAGNY
: critique et historien de cinéma, chargé de cours à l'université de Paris-VIII, directeur de collection aux
Cahiers du cinéma
Classification
Médias
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