CINÉMA (Réalisation d'un film) Musique de film
La musique entre dans la constitution d'un film au même titre que le scénario, la réalisation, le jeu des comédiens, la photographie et le montage. Elle a d'ailleurs toujours été associée aux images animées projetées sur écran bien avant que les notions de structure dramatique, de mise en scène, de direction d'acteur, de traitement de la lumière et de découpage d'une scène en plusieurs plans apparaissent.
Les origines
C'est après quelques jours d'exploitation commerciale du Cinématographe Lumière, en décembre 1895, à Paris, que les projections bénéficièrent d'un accompagnement musical au piano, peu après qu'un instrument avait été installé dans une salle attenante pour faire patienter les spectateurs dans l'attente de la prochaine séance. On avance généralement que l'adjonction de musique est née de la nécessité de couvrir le bruit du mécanisme d'entraînement de la pellicule. En fait, l'appareil de Louis Lumière ne produisait qu'un faible cliquetis. En outre, il est peu probable que celui-ci, quand bien même il eût été plus fort, ait engendré un désagrément chez le spectateur tant il était émerveillé de découvrir du jamais vu, d'autant que le programme ne comportait que dix films de cinquante secondes. Enfin, cela n'expliquerait pas pourquoi au Japon, par exemple, les projections au lieu d'être accompagnées de musique, l'étaient par un commentateur, le benshi (littéralement : « celui qui parle »).
Les raisons de l'accompagnement musical sont ailleurs. Il ne faut pas oublier qu'il existait alors quantité de formes de spectacles où la musique jouait un rôle considérable : café-concert, music-hall, pantomime, féerie, ombres chinoises, etc. ; en outre, on organisait encore, en intermède et avec de la musique, des projections de lanterne magique ou de photographies sur plaque de verre. En réalité, l'idée d'associer de la musique aux images en mouvement est antérieure à l'avènement du Cinématographe : d'une part, Thomas Edison avait déjà cherché à coupler le Phonographe avec le Kinétoscope ; d'autre part, Émile Reynaud projetait, depuis octobre 1892, au musée Grévin, ses Pantomimes lumineuses, ancêtres des dessins animés, accompagnées de mélodies écrites spécialement par Gaston Paulin, compositeur en vogue. Il est aussi probable qu'il y eut un facteur autre : non pas le bruit, supposé ou réel, de l'appareil de projection, mais, paradoxalement, le silence, silence qui aurait occasionné une gêne. Maxime Gorki, qui, en juin 1896, assista, à Nijni Novgorod, à une séance du Cinématographe Lumière, tint ces propos : « Tout se passe dans un étrange silence. On n'entend pas les roues des voitures, ni le bruit des pas, ni les conversations. Rien. Pas une seule note de la complexe symphonie qui accompagne toujours le mouvement de la vie. [...] Ce n'est pas la vie, mais son ombre, ce n'est pas le mouvement, mais son spectre muet. »
Quelles qu'en soient les causes, il ne fait aucun doute que la nécessité de la musique pour accompagner les projections de films se fit sentir très tôt et s'accrut à mesure que la durée des films augmentait et que le cinéma s'imposait comme un nouveau moyen d'expression artistique. Marcel L'Herbier l'apprit à ses dépens, comme il l'explique dans un article paru dans Arts et techniques sonores (no 40-41, septembre-octobre 1954) : « Un film – selon ma naïveté d'alors – devait se passer résolument d'une musique surajoutée, se contenter de la sienne propre, du rythme interne de ses images, de la métrique élaborée dans son montage, enfin de la seule vertu symphonique de son orchestration visuelle. [...] Mais, dès mon premier film, je déchantai. J'avais aperçu à temps que l'image animée n'a pas,[...]
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Écrit par
- Alain GAREL : critique et historien de cinéma, professeur d'histoire du cinéma
Classification
Médias
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