CINÉMA (Réalisation d'un film) Musique de film
L'avènement du sonore
L'avènement du sonore mit un terme à ces pratiques aléatoires qui ne peuvent que laisser perplexe dans la mesure où d'une salle à l'autre la perception que le spectateur avait des images pouvait s'avérer différente. Toutefois, il créa de nouveaux problèmes. Une question fondamentale se posa en effet : dès lors que tous les sons émis à l'image étaient audibles, comment justifier la présence d'une musique qui n'a pas de source clairement situable ? Cette problématique n'a, en fait, pas été tout de suite soulevée : la majorité des premiers films sonores, nés du succès de The Jazz Singer (Le Chanteur de jazz) d'Alan Crosland (1927), étaient comme celui-ci des musicals justifiant ainsi la musique et les chansons. Le fait de pouvoir entendre les voix des acteurs généra d'ailleurs un autre phénomène : le cinéma bavard. De fait, dans le cas du film chantant comme dans celui du film entièrement parlant, la musique dramatique, de « fosse », n'avait guère de place pour se glisser, si ce n'est au générique. Cependant, toutes les œuvres ne relevaient pas forcément de ces deux conceptions du film sonore et il fallut bien que leurs auteurs se confrontent au problème de la musique.
À l'instar de The Jazz Singer, qui, hors les scènes chantées, et à l'exception d'une courte scène dialoguée, était un film muet, avec intertitres, sonorisé, certains premiers films sonores furent des œuvres de transition. Ce fut le cas de Blackmail (Chantage) d'Alfred Hitchcock (1929), muet, dont certaines scènes furent tournées à nouveau avec du son. En conséquence, des scènes relevant du cinéma sonore, avec dialogues, mais sans musique de fosse, y alternent avec des scènes de muet, avec accompagnement musical, voire avec des bruitages. Il en est de même de Sous les toits de Paris de René Clair (1930) où se mêlent cinéma chantant, le protagoniste étant chanteur de rues, cinéma sonore, avec même usage du hors-champ, et cinéma muet, avec musique de fosse. Mais ce sont là des œuvres « hybrides », caractéristiques du flou qui a régné en 1929 et 1930, consécutivement aux incertitudes touchant l'avenir du cinéma sonore.
Nombre de films des années 1930 à 1932 assumèrent cependant leur caractère « sonore » en n'exploitant que les dialogues, les bruits et les ambiances, les cinéastes optant dans ce cas pour une totale absence de musique de fosse, sauf pour le générique et, parfois, le mot « Fin ». Tous ces films n'étaient pas pour autant dénués de musique, mais celle-ci, « réalisme » oblige, était produite à l'image, soit par des instrumentistes (fanfare militaire, formation de night-club, orphéon de cirque), soit par des moyens de reproduction (Gramophone) ou de diffusion (poste de radio), visibles dans le cadre ou bien hors champ, mais « présents ». Ces « musiques de source » avaient généralement une fonction naturaliste. Cependant, elles pouvaient aussi, parfois, jouer un rôle dramaturgique. C'est le cas dans M (M le maudit), de Fritz Lang (1931) : l'assassin sifflote maladivement « Dans le hall du roi des montagnes » d'Edward Grieg, extrait de la musique de scène de Peer Gynt de Henrik Ibsen, tic qui le fera identifier par un marchand de ballons aveugle auquel il avait acheté un de ces jouets pour une de ses futures victimes. Il en va de même dans Morocco (Cœurs brûlés) de Josef von Sternberg (1930), quand l'héroïne scrute les visages des membres d'une compagnie de la Légion étrangère décimée par les combats, avec l'espoir d'y reconnaître son amant, alors qu'indifférent au drame un tambour bat un motif rythmique répétitif.
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Écrit par
- Alain GAREL : critique et historien de cinéma, professeur d'histoire du cinéma
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Médias
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