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CINÉMA (Réalisation d'un film) Musique de film

La musique du sonore

C'est à partir de 1932 que la musique de fosse s'affirma de nouveau. Il est difficile d'en déterminer les causes. Il semblerait cependant que l'immense succès de City Lights (Les Lumières de la ville), de Charles Chaplin (1931), ait joué là un rôle. Ennemi des talkies, le créateur de Charlot avait, contre vents et marées, produit un film résolument muet avec, pour seule concession à la nouvelle technique, un accompagnement musical enregistré. Cet acte « contre nature », de la part d'un créateur loué par ses pairs, aurait levé les inhibitions et consumé les frilosités des gens de cinéma et des musiciens. Il n'existe qu'une certitude : l'activité cinématographique de la très grande majorité des compositeurs en exercice à la fin du muet, toutes nationalités confondues, s'est interrompue de 1929-1930 à 1932-1933 et celle des nouveaux venus ne commença pas avant 1932-1933, à quelques exceptions près.

David O. Selznick - crédits : Alfred Eisenstaedt/ The LIFE Picture Collection/ Getty Images

David O. Selznick

L'appréhension de la musique dite aussi de « commentaire » se divisa alors, schématiquement, en deux partis : les tenants du « beaucoup de musique », de loin les plus nombreux, et ceux du « peu de musique ». Le concept inflationniste de la musique à l'écran aurait son origine aux États-Unis. Il faudrait visionner tous les films sonores produits entre 1929 et 1932 pour pouvoir l'affirmer. Il est cependant indubitable qu'à partir de 1932 la production américaine s'engagea dans cette voie. Or, du fait de son hégémonie depuis la fin de la Première Guerre mondiale, elle a pu influencer celle des autres pays. La responsabilité en reviendrait à David O. Selznick qui, alors jeune producteur exécutif à Paramount, demanda à Max Steiner (1888-1971), dont il avait apprécié le travail sur Cimarron de Wesley Ruggles (1930), de composer une musique pour une bobine de Symphony of Six Millions de Gregory La Cava (1932), afin de pouvoir apprécier si l'utilisation d'une musique « non réaliste » interférait ou non avec le dialogue. En définitive, la partition de Max Steiner occupa quelque quarante pour cent de la durée de projection. Quelques mois plus tard, le même compositeur signait, pour Bird of Paradise (L'Oiseau du paradis) de King Vidor (1932), une partition dont la durée d'exécution correspondait à celle du film.

Dans une conférence donnée à Londres, en 1936, dont le texte a été publié dans le numéro d'avril de la revue Esprit sous le titre « Petite École du spectateur », Maurice Jaubert (1900-1940) s'en prit aux pratiquants du « 100 p. 100 musique », et plus particulièrement à Max Steiner, jugé responsable, non sans raison, de cette inflation sonore. En effet, ce dernier « a dicté les normes stylistiques dont a résulté ce que nous considérons désormais être le „son“ caractéristique de l'âge d'or, note Christopher Palmer, et il a inauguré nombre de techniques relatives à l'interaction du dialogue, de l'action et de la musique qui devinrent subséquemment des pratiques standards à Hollywood ». Maurice Jaubert, lui, était partisan d'une musique n'intervenant que parcimonieusement et engendrée par une nécessité fondamentale et qui, surtout, ne paraphrase pas l'image.

Car, à l'opposition relative à la quantité de musique s'en superposait une autre, plus importante, relative à son concept, lié à des facteurs culturels et économiques. Les formes de la musique et les fonctions qui lui étaient dévolues dans le cinéma « hollywoodien » n'avaient rien d'« américain ». À l'instar de nombre de directeurs de studio et de producteurs, les principaux compositeurs étaient originaires d'Europe centrale – Max Steiner et Erich Wolfgang Korngold (1897-1957) étaient autrichiens, Franz Waxman (1908-1967) était allemand et Dimitri Tiomkin (1894-1979)[...]

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Écrit par

  • : critique et historien de cinéma, professeur d'histoire du cinéma

Classification

Médias

Cinéma: la musique du muet - crédits : Bettmann/ Getty Images

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La musique au cinéma - crédits : Encyclopædia Universalis France

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