CINÉMA (Réalisation d'un film) Musique de film
La musique de film comme collage sonore
Parallèlement à ces approches variées de la musique originale pour le film se développa un retour à des concepts anciens, le premier datant de l'avènement du sonore, le second du muet. Ainsi, des films furent sans musique de fosse, et n'eurent de musique que de source ; d'autres n'utilisèrent que de la musique préexistante, en l'occurrence des extraits d'œuvres classiques. Le refus de la musique de fosse, généralement motivé par un souci de « réalisme », est rare. L'exploitation de la musique extra-cinématographique est par contre beaucoup plus répandue, et surtout généralement spécieuse : car, pour la démarche d'un Michel Deville, qui pense son film en fonction d'une musique sélectionnée dès l'écriture du scénario, ou celle d'un Stanley Kubrick, qui se livre parfois à des collages audacieux, combien en usent comme solution de facilité ?
Dans les années 1960 et 1970, le champ culturel de la musique extra-cinématographique s'élargit du classique, voire du jazz, au rock and roll, à la pop, à la variété sous toutes ses formes. Là encore, il n'y a pas de règles. Dino Risi, dans la majorité de ses films, faisait entendre alternativement de la musique originale de fosse et des chansons à la mode, constituant ainsi un arrière-plan sonore socioculturel de ses récits ; George Lucas pour American Graffiti (1973), Alain Corneau pour Série noire (1979), Quentin Tarantino pour Pulp Fiction (1994) et Martin Scorsese pour Casino (1996) ont fait de même. Toutefois, ces démarches restent exceptionnelles, car le recours à ces styles de musique est essentiellement lié à des impératifs commerciaux qui sont eux-mêmes consécutifs de la modification des enjeux économiques. D'une part, le marché du disque s'est métamorphosé depuis que l'invention du 45-tours et de l'électrophone a permis à des catégories sociales, notamment les jeunes, d'accéder à la consommation musicale. D'autre part, la désertification progressive des salles de cinéma a entraîné un changement profond de leur public, quasi réduit à la tranche d'âge des dix-huit - vingt-cinq ans. Enfin, on ne saurait sous-estimer les mutations intervenues aux États-Unis – où la production de film n'est plus que le fait d'une cellule du département audiovisuel comprenant, parmi d'autres (télévision, vidéogrammes, câble, produits dérivés, etc.), une cellule spécifiquement phonographique – d'un trust industriel ou financier. Il en est à peu près de même en Europe où, notamment en France, en Grande-Bretagne et en Italie, les chaînes de télévision participent, souvent de manière décisive, au montage financier d'une production.
Comme au début du cinéma sonore, cette ingérence du show-business s'est d'abord manifestée par la présence à l'écran de chanteurs à la mode, auxquels on a ensuite parfois demandé d'écrire la musique originale de fosse avec les résultats que l'on peut deviner ; avec, naturellement, des exceptions notables : Serge Gainsbourg, Mike Oldfield, Stewart Copeland, entre autres. Elle s'est ensuite affirmée avec l'intégration d'une chanson dans la partition originale, le plus souvent à la fin. Enfin, par le recours à l'usage immodéré de chansons, les bandes-son devenant à ce point saturées que le disque de la bande « originale » du film ressemble à une compilation.
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Écrit par
- Alain GAREL : critique et historien de cinéma, professeur d'histoire du cinéma
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Médias
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