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CINÉMA (Réalisation d'un film) Photographie de cinéma

Deux bouleversements : le son et la couleur

À l'aube des années 1930 se produisit une importante révolution dans la photographie de cinéma. D'abord l'arrivée du son, qui amenait les chefs opérateurs (et un ou deux assistants) à s'enfermer dans des cabines roulantes et limitait considérablement la mobilité de la caméra. Le développement des recherches dans la dramatisation de la lumière se trouve en outre amoindri par le fait que l'on peut désormais exprimer une grande part du drame par le dialogue et la musique : le rôle des chefs opérateurs s'en trouve nettement amenuisé et l'impact de l'image sérieusement réduit. L'image expressionniste recule d'autant plus qu'une nouvelle pellicule à émulsion rapide, la panchromatique, s'impose entre 1925 et 1930. Si elle ne titre que 10 ASA à l'origine, 20 dans les années 1930 et 80 dans les années 1940, nécessitant encore beaucoup de lumière, elle est sensible à toute la gamme chromatique et capable de rendre toutes les nuances de gris. Le temps des contrastes violents est passé, et le vrai classicisme s'impose avant de sombrer dans un certain académisme. L'image de cinéma ne renonce nullement à la dramatisation, mais dans un cadre plus réaliste aux effets mesurés.

Le cinéma hollywoodien de l'âge classique, c'est-à-dire des années 1930 aux années 1950, incarne parfaitement les trois principes de la lumière classique tels que les définit Fabrice Revault d'Allonnes : « Dramatisation, hiérarchisation, lisibilité », auxquels répond le plus répandu des principes d'éclairage (pas seulement hollywoodien), l'éclairage trois points : « dramatisation par une attaque marquée, hiérarchisation entre l'attaque centrée sur l'acteur, le contre-jour pour lui donner du relief et/ou l'éclairage latéral pour le sculpter davantage, l'ambiance enfin pour assurer la lisibilité du fond... » Ces principes généraux largement répandus n'empêchent pas chaque chef opérateur de développer son propre style, d'imprimer sa marque, en relation évidemment avec le type de film : on n'éclaire pas un western comme une comédie musicale. Seule de toutes les grandes firmes hollywoodiennes, la M.G.M. imposa à ses opérateurs un style commun, le soft focus, image de marque du studio qui ajoutait à l'élégance des décors et des costumes une clarté et une douceur générales des lumières et des gros plans satinés destinés à embellir les actrices. Joseph Ruttenberg, vingt-huit ans directeur de la photographie à la M.G.M., en fut le principal organisateur.

Un autre événement capital marque encore l'histoire de l'image du cinéma classique, l'apparition de la couleur. Vers 1935 se développe le procédé Technicolor (né en 1915) qui restera dominant jusqu'au milieu des années 1950. S'il présentait, au début surtout, d'importants inconvénients (énorme caméra, distorsions chromatiques, faible titrage – 8 ASA – nécessitant beaucoup d'éclairage), il vint largement renforcer la fonction dramatique de l'image cinématographique. L'Eastmancolor, généralisé au cours des années 1950, opéra la même révolution que le remplacement de la pellicule orthochromatique par la panchromatique : un rendu en apparence plus « réaliste » parce que restituant une plus grande gamme de couleurs.

Si les progrès du noir et blanc et de la couleur permettront plus tard une mutation du cinéma, on ne peut nier qu'ils entraînent peu à peu l'image de cinéma vers une standardisation sclérosante qui va se révéler particulièrement significative en France. Le seul mouvement esthétique français apparu entre la fin des années 1920 et la Nouvelle Vague, le réalisme poétique, se caractérise par un style photographique d'une rare pauvreté d'imagination, malgré[...]

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Écrit par

  • : critique et historien de cinéma, chargé de cours à l'université de Paris-VIII, directeur de collection aux Cahiers du cinéma

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Médias

Le chef opérateur, maître de la lumière, Pierre-William Glenn - crédits : Encyclopædia Universalis France

Le chef opérateur, maître de la lumière, Pierre-William Glenn

Georges Méliès - crédits : Henry Guttmann/ Hulton Archive/ Getty Images

Georges Méliès

La Sortie des usines Lumière, A. et L. Lumière - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

La Sortie des usines Lumière, A. et L. Lumière

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