CINÉMA (Réalisation d'un film) Photographie de cinéma
De l'analogique au numérique : la troisième révolution...
Si le son et la couleur ont modifié la photographie de cinéma, l'arrivée de l'image numérique n'est pas seulement une troisième révolution à laquelle il suffirait de s'adapter, comme on le fit dans les années 1930 et 1940. C'est une transformation fondamentale de l'idée même d'image de cinéma, donc du cinéma tout court. Le choix n'est plus entre une image « naturelle », sans artifices, qualifiée par certains d'« image sale », de « mauvais goût » (Léonce-Henry Burel), banalisant le quotidien – Raoul Coutard, Nestor Almendros, Ghislain Cloquet, Jacques Loiseleux, Pierre Lhomme, entre autres –, et une image dramatique et esthétique, voire esthétisante, venant contredire les apports du néo-réalisme et de la Nouvelle Vague, sous l'appellation, en France, de « nouvelle image », où l'artifice, voire l'artificiel, était de mise avec des opérateurs comme Philippe Rousselot, Jean-François Robin, Jean-Yves Escoffier ou Thierry Argobast, et des cinéastes tels que Luc Besson, Jean-Jacques Beineix ou Leos Carax. Avec l'image numérique, tout est possible ou presque. Et le « presque » paraît de jour en jour de trop ! On peut modifier un paysage, le remodeler à sa guise, incruster n'importe quel élément, faire dialoguer un « vrai » président de la République avec un personnage de fiction (Forrest Gump, R. Zemeckis, 1994), un animal de cartoon avec un acteur en chair et en os – mais aussi de celluloïd ! – tout en modifiant son corps à volonté (Qui veut la peau de Roger Rabbit ?, R. Zemeckis, 1988), numériser Gary Cooper ou Marilyn Monroe pour de nouvelles aventures brûlantes... Disparaît ainsi la fameuse « ontologie » bazinienne, que résumait le titre original des mémoires de King Vidor qui, certes, n'avait sans doute pas lu Bazin : « A Tree Is a Tree », soit « un arbre est un arbre ». Si l'on veut obtenir à l'écran un chêne millénaire, il faut filmer un chêne, même si le spectateur n'est pas trop regardant sur le millésime. Si l'on filme un sapin de Noël en plastique, ce sera un sapin de pacotille... Aujourd'hui, avec le règne de l'image virtuelle, l'image de film peut aller jusqu'à se passer du modèle. C'est la caméra elle-même qui génère l'image, sans référent ou, dit plus platement, sans qu'il soit nécessaire de placer un objet réel devant l'objectif... Dans ces conditions, que veut dire le mot « réel » ?
Mais faut-il y voir une catastrophe ? Y a-t-il vraiment une différence « ontologique » entre la croyance du spectateur d'autrefois dans la transformation de Jekyll en Hyde, quelle que soit la version, ou la tête gonflable de Méliès, et les trucages et effets spéciaux d'aujourd'hui ? L'image de film, même lorsque tout paraît possible, reste au service d'un projet esthétique, ou bien elle se révèle dépourvue de signification et perd tout crédit, une fois l'effet d'étonnement passé – et il passe vite !
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Écrit par
- Joël MAGNY
: critique et historien de cinéma, chargé de cours à l'université de Paris-VIII, directeur de collection aux
Cahiers du cinéma
Classification
Médias
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