RUSSE CINÉMA
Du dégel à la perestroïka
Le dégel
À la mort de Staline, la production est au plus bas : quinze films produits en 1950, six en 1951, dix-huit en 1952. Les cinéastes de l'ancienne génération sont parmi les premiers à réagir : en 1954-1955, les films de Kheifits (La Grande Famille), Kalatozov (Fidèles Amis), Raïzman et son scénariste Gabrilovitch (La Leçon de la vie), Ermler (Le Récit inachevé), reviennent aux intrigues individuelles non exemplaires. À partir de 1956, année du XXe congrès, surgit une nouvelle génération, dont le premier représentant est Grigori Tchoukhraï avec Le Quarante et Unième (1956), hymne à l'amour et à la liberté qui déplace le centre d'intérêt du film muet de Protazanov dont il reprend le thème. Marlen Khoutsiev débute avec Printemps dans la rue Zaretchnaia et Eldar Riazanov avec Nuit de carnaval (1956). Les républiques sont plus libres, parce que loin du centre : L'Âne de Magdana (1955), de Tenguiz Abouladze et Rezo Tchkheidze, est un signe avant-coureur de leur renaissance. Mais le film qui redonne une présence internationale au cinéma soviétique est Quand passent les cigognes (1957), du vétéran géorgien Mikhaïl Kalatozov : film d'émotions qui renoue avec la tradition humaniste russe, mais aussi mélodrame qui fait pleurer le public comme il ne le pouvait jusque-là qu'avec les films indiens.
Tandis que sort la seconde partie d'Ivan le Terrible (1958), Dovjenko meurt à la veille du tournage du Poème de la mer, qui sera fidèlement réalisé par son épouse Youlia Solntseva, et la vieille génération va au bout de son style en donnant quelques merveilles : La Dame au petit chien, de Kheifits (1960), Et si c'était l'amour, de Raïzman (1961), Le Lutteur et le clown, de Barnet (1957), Le Cheval qui pleure, de Donskoï (1958). Mikhaïl Romm est le premier à tirer à travers le cinéma un bilan d'une vie dans l'histoire du siècle, avec Neuf Jours d'une année (1962). Il poursuivra la même réflexion, mais avec les moyens du cinéma de montage, dans Le Fascisme ordinaire (1965). Malgré Le Destin d'un homme, de l'acteur-réalisateur Serguei Bondartchouk (1959), sur la guerre, Ciel pur (G. Tchoukhraï, 1961) et Le Calme (Bassov, 1964), qui nomment enfin la répression stalinienne, la génération du XXe congrès est arrivée trop tôt. Le passage de témoin se fait directement de Romm, enseignant admiré, véritable conscience du cinéma, à Andrei Tarkovski, qui réalise L'Enfance d'Ivan l'année même de Neuf Jours d'une année. Le film-manifeste de la génération est Le Faubourg d'Ilytch, de Marlen Khoutsiev (1963), où un jeune homme compare ses aspirations et ses espoirs à ceux de son père, tué à la guerre à l'âge qu'il a lui-même. Publiquement attaqué par Khrouchtchev, le film est monté de nouveau et sort, rebaptisé J'ai vingt ans, l'année où celui-ci est chassé du pouvoir.
Nouveaux auteurs, nouvelles libertés
La période 1964-1972 marque un moment de richesse exceptionnelle. La sclérose du studio central, Mosfilm, est contrebalancée par l'épanouissement des productions des républiques soviétiques. Le rôle positif d'un enseignement du cinéma centralisé, le V.G.I.K. de Moscou, se confirme. La participation très active de cinéastes comme Dovjenko (mort en 1956, un de ses derniers élèves est Otar Iosseliani), Youtkévitch, Kozintsev, Mikhaïl Romm surtout, assure, pendant cette période, une continuité caractéristique du cinéma soviétique, et marque en même temps un retour aux questions posées dans les années 1920. Quelle que soit la déception devant la réalité du socialisme, les nouveaux cinéastes maintiennent la certitude d'une fonction sociale du cinéma et du besoin d'exprimer un point de vue global sur la société.
1964 est l'année des Chevaux de feu de Sergueï Paradjanov,[...]
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Écrit par
- Bernard EISENSCHITZ : traducteur, historien du cinéma
Classification
Médias
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