CINQUIÈME RÉPUBLIQUE La période gaullienne (1958-1969)
L'élection présidentielle de 1965
Après la victoire gaulliste de 1962, il n'est guère possible d'envisager de renverser le gouvernement par la voie parlementaire ; les oppositions doivent donc surtout préparer la future échéance présidentielle, prévue pour décembre 1965. Et il est évidemment à peu près impossible de se faire élire en revendiquant le modèle de président que la France a connu avant 1958 ; il faut présenter un programme politique et mettre en valeur ses qualités d'homme d'État. Le caractère nouveau de cette élection fait que beaucoup de forces politiques hésitent cependant sur la stratégie à suivre et les candidatures sont pour l'essentiel connues tardivement. Pourtant, des tentatives avaient été faites très tôt pour unifier le centre et la gauche derrière Gaston Defferre, maire de Marseille, président du groupe socialiste à l'Assemblée. En fait, la S.F.I.O. et le M.R.P. n'acceptent pas vraiment de renoncer à leur identité et Gaston Defferre se retire de la compétition en juin 1965. François Mitterrand, souvent ministre sous la IVe République, animateur de la Convention des institutions républicaines (C.I.R.), fédération de clubs de centre gauche, va alors présenter au début de septembre sa candidature. Ne cherchant pas l'appui du M.R.P., il obtient facilement celui du P.C.F., qui préfère alors ne pas présenter de candidat plutôt que de réaliser un mauvais score ; de plus, les communistes souhaitent sortir de leur isolement et n'imposent aucune négociation sur un programme politique commun. François Mitterrand devient ainsi le candidat unique de la gauche. À la fin de septembre, deux autres candidats seulement sont déclarés : Jean-Louis Tixier-Vignancour, proche de l'O.A.S. et de l'Algérie française, et Pierre Marcilhacy, sénateur peu connu, candidat de droite libérale. Antoine Pinay, pour les indépendants, renonce à se présenter, ce qui ouvre la voie à une candidature M.R.P. Son jeune président, Jean Lecanuet, se lance dans la bataille à la mi-octobre.
Une grande inconnue plane encore sur le scrutin : Charles de Gaulle, âgé de soixante-quinze ans, sera-t-il candidat ou laissera-t-il la place à un de ses fidèles ? Le président n'annonce sa candidature que le 4 novembre, à un mois des élections, dans une déclaration très théâtralisée, souvent résumée par une formule : « Moi ou le chaos ». Il se présente comme le seul sauveur possible de la France face à des représentants des partis traditionnels. Il n'envisage probablement pas de pouvoir être battu ni même mis en ballottage, il ne fera d'ailleurs campagne que dans les derniers jours avant le premier tour, invitant les Français à le juger sur son bilan. Ses deux principaux adversaires sont jeunes. Ils s'opposent tous deux au pouvoir personnel du président sortant et se prononcent pour le développement d'une Europe fédérale. Jean Lecanuet propose un programme de modernisation économique de la France, le libéralisme économique étant équilibré par des objectifs sociaux. François Mitterrand souhaite, outre une suppression de l'article 16 et du recours au référendum selon l'article 11, l'élargissement des libertés publiques, une planification économique dynamique et plus contraignante. Il a aussi un programme social, conformément à l'idéal de justice que veut incarner la gauche. Il est opposé à la force de frappe nucléaire française.
La télévision joue un rôle très important dans l'élection, en faisant connaître les discours de l'opposition, souvent passés sous silence jusque-là. L'électorat se mobilise fortement, l'abstention n'étant que de 15,2 p.100. Il y a là comme une légitimation supplémentaire de la réforme de 1962. Mais la mise en ballottage du général de Gaulle, qui ne recueille que 44,6 p. 100 des suffrages exprimés, est évidemment le fait[...]
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Écrit par
- Pierre BRÉCHON : professeur émérite de science politique à Sciences Po Grenoble, chercheur au laboratoire Pacte (UMR 5194, CNRS/ université Grenoble Alpes/Sciences Po Grenoble)
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