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CINQUIÈME RÉPUBLIQUE La période gaullienne (1958-1969)

Les élections législatives de mars 1967

Le nouveau gouvernement Pompidou, mis en place en janvier 1966, ne demande pas la confiance à l'Assemblée. C'est une étape de plus dans l'éloignement par rapport aux pratiques parlementaires traditionnelles. Le gouvernement, nommé par le président élu du peuple, n'estime pas nécessaire de se faire adouber par la représentation nationale. C'est l'Assemblée qui peut, pendant ses sessions ordinaires, prendre l'initiative d'une motion de censure.

Les principales tendances qui avaient structuré l'élection présidentielle se préparent à la bataille législative dès le printemps de 1966. Chacune essaie d'élargir son électorat en mordant sur celui des autres. La majorité s'ouvre à quelques personnalités radicales, mais les Républicains indépendants prennent plutôt de la distance, à travers une politique de « oui, mais... » définie par Valéry Giscard d'Estaing. Ils acceptent cependant la règle de la candidature unique dès le premier tour. La gauche modérée, réunie dans la Fédération de la gauche démocratique et socialiste (F.G.D.S.) et incluant la S.F.I.O., la C.I.R. et les radicaux, investit un candidat par circonscription pour le premier tour et signe pour le second un accord de désistement réciproque avec le P.C.F. Le Centre démocrate va coaliser, derrière Jean Lecanuet, l'ancien M.R.P., un certain nombre d'indépendants et de personnalités radicales, qui ne veulent ni se marquer à gauche, ni se compromettre avec le gaullisme. La campagne est, une fois de plus, très centrée sur le soutien ou le désaveu des nouvelles institutions. Face aux partisans de la Ve République gaullienne (pas entièrement classables en termes d'opposition gauche-droite), trois oppositions s'affirment : du centre droit, de la gauche modérée et du communisme.

Les résultats sont paradoxaux. Le premier tour manifeste à la fois la forte mobilisation des citoyens (seulement 18,9 p. 100 d'abstentions) et la stabilité des grandes tendances de l'opinion par rapport aux législatives de 1962. Le second tour est au contraire marqué par une progression des deux camps de la gauche – qui profitent à plein des accords de désistement réciproque – et par un retrait des forces majoritaires. L'électorat gaulliste s'est probablement un peu démobilisé, la victoire semblant acquise pour son camp. L'opposition sort donc nettement renforcée du scrutin alors que la majorité est très étroite (7 sièges de différence). Cette dernière ne va pas pour autant tempérer sa politique. Georges Pompidou est à nouveau choisi comme Premier ministre alors qu'il exerce depuis déjà cinq ans cette fonction. De plus, le gouvernement obtient de l'Assemblée le pouvoir de légiférer par ordonnance, ce qui lui permet de faire adopter des réformes (notamment sur des questions économiques et sociales sensibles) sans être sous la pression des députés et de leurs amendements. Les motions de censure déposées contre le gouvernement ne dépasseront pas 237 voix, alors qu'il en fallait 244 pour être adoptées. Mais le renversement du régime, impossible à atteindre à l'Assemblée, pourrait-il venir de la rue ?

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Écrit par

  • : professeur émérite de science politique à Sciences Po Grenoble, chercheur au laboratoire Pacte (UMR 5194, CNRS/ université Grenoble Alpes/Sciences Po Grenoble)

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Médias

Charles de Gaulle, 1955 - crédits : Keystone/ Getty Images

Charles de Gaulle, 1955

Départ des soldats français de Saigon, 1956 - crédits : Keystone/ Getty Images

Départ des soldats français de Saigon, 1956

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