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CINQUIÈME RÉPUBLIQUE La période gaullienne (1958-1969)

Mai-juin 1968

Étudiants en mai 1968 - crédits : Keystone-France/ Gamma-Rapho/ Getty Images

Étudiants en mai 1968

La France avait connu, dans les premières années de la Ve République, quelques mouvements sociaux importants. Ainsi, la grève des mineurs de 1963 – à laquelle le pouvoir avait répondu par un ordre de réquisition – avait été populaire et la confiance accordée au président de la République en avait été sensiblement affectée pendant quelques mois. En 1966, après un accord C.G.T.-C.F.D.T. pour une unité d'action revendicative, il y avait eu des journées d'action assez suivies dans la fonction publique et les grands secteurs industriels. Mais, au début de 1968, le climat social ne semblait ni meilleur, ni pire qu'auparavant. Et pourtant, un mouvement va se développer dans tout le pays qui est à la fois une crise universitaire, une crise sociale et une crise politique. Le régime parut pendant quelques jours vaciller.

Un malaise étudiant était sensible, mais assez diffus et non cristallisé sur une thématique unique. Des incidents commencent à l'université de Nanterre, qui est fermée ; l'agitation se porte sur la Sorbonne, occupée le 3 mai ; la police intervient et arrête de nombreuses personnes, ce qui déclenche des manifestions violentes dans le Quartier latin. Manifestations, occupations de locaux, répression et violence vont se propager. De nombreuses barricades sont dressées dans la nuit du 10 au 11 mai, très vite prises d'assaut par les C.R.S. Il y a des centaines de blessés et des dégâts matériels très importants. Le mouvement va s'étendre aux grandes villes universitaires et toucher aussi les lycéens. Dans les bâtiments occupés règne la libération de la parole ; on refait le monde et la société dans une ambiance d'exaltation contestataire et souvent anarchisante. Ce mouvement assez spontané, même s'il est alimenté par des militants appartenant à des groupes d'obédiences très variées, est regardé au départ avec beaucoup de suspicion ou au moins d'attentisme par les syndicats ouvriers et les partis de gauche, tout particulièrement la C.G.T. et le P.C.F. Une journée de grève nationale avec de grandes manifestations, réunissant étudiants et salariés, a lieu le 13 mai, les occupations spontanées d'usines commencent peu après et se généralisent très rapidement (le nombre des grévistes a été estimé à 10 millions). De Gaulle annonce le 24 mai un référendum pour réformer « des structures étroites et périmées », ce qui est très vague et correspond surtout à une nouvelle demande de confiance à sa personne par un « oui massif ». Loin de calmer les esprits, cette annonce fait rebondir les critiques, une large partie de l'opinion semble lassée de ce type de discours plébiscitaire. Georges Pompidou conduit les 25 et 26 mai des négociations avec l'ensemble des partenaires sociaux. Elles se concluent par les accords de Grenelle, qui prévoient une augmentation de 35 p. 100 du salaire minimum et de 10 p. 100 de l'ensemble des salaires, ainsi qu'une reconnaissance du syndicalisme dans l'entreprise... Mais l'accord va être rejeté par la base et les grèves se poursuivent. La crise devient politique. Un gouvernement provisoire de Pierre Mendès France est envisagé, François Mitterrand annonce sa future candidature présidentielle après un non prévisible au référendum et le départ du général, le P.C.F. souhaite un gouvernement populaire... Le 29 mai, le président est introuvable, il est en fait aller consulter le général Massu à Baden-Baden, il semble tenté par la démission mais reprend l'initiative le lendemain : il diffère le référendum, condamne la « subversion » et annonce la dissolution de l'Assemblée nationale. Le même jour, une grande manifestation réunit les « partisans de l'ordre » sur les Champs-Élysées. Les grèves et occupations vont progressivement cesser, les principaux acteurs politiques[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite de science politique à Sciences Po Grenoble, chercheur au laboratoire Pacte (UMR 5194, CNRS/ université Grenoble Alpes/Sciences Po Grenoble)

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Médias

Charles de Gaulle, 1955 - crédits : Keystone/ Getty Images

Charles de Gaulle, 1955

Départ des soldats français de Saigon, 1956 - crédits : Keystone/ Getty Images

Départ des soldats français de Saigon, 1956

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Charles de Gaulle, 1946

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