Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

CINQUIÈME RÉPUBLIQUE La période gaullienne (1958-1969)

Le bilan

Pendant près de onze années de pouvoir, le plus important pour le général de Gaulle a toujours été de mettre en valeur la grandeur de la France, de faire preuve d'indépendance dans le concert des nations et de refuser l'alignement atlantique. Toutes les politiques conduites l'ont été pour affirmer la puissance française, aussi bien en matière économique qu'en ce qui concerne l'Europe, la défense ou les « affaires étrangères ».

Malgré des soubresauts, la période est globalement caractérisée par une forte croissance économique ; la situation s'était beaucoup dégradée à la fin de la IVe République, probablement du fait de la guerre d'Algérie mais aussi d'un manque de définition d'une politique économique cohérente et suivie dans le temps. Le déficit budgétaire était très important. Une politique de rigueur est adoptée dès 1958 pour rétablir les principaux équilibres : un grand emprunt, indexé sur l'or, est lancé ; on réduit les dépenses et on augmente les impôts ; les indexations des salaires sur les prix sont supprimées pour maîtriser l'inflation ; une dévaluation importante est décidée et on crée un nouveau franc, qui vaut 100 francs anciens, et doit devenir une monnaie forte. La situation est largement rétablie dès 1959. Un certain emballement de l'expansion conduit en 1963 à adopter un plan de stabilisation ; pour réduire l'inflation qui avait resurgi, on prend à nouveau des mesures de rigueur (blocage des prix, restriction du crédit, budget de l'État en réel équilibre, sans impasse budgétaire).

Les succès économiques de cette décennie sont l'effet d'une situation économique mondiale favorable et de l'ouverture progressive des échanges entre les pays de la Communauté économique européenne, mais aussi d'une planification incitative de l'économie, permettant de susciter et d'accompagner la modernisation des structures. La croissance du niveau de vie des ménages est très importante mais n'est pas vraiment perçue par les individus, selon un schéma classique. Il est vrai que le chômage commence à apparaître vers la fin de la période, ce qui contribue à inquiéter l'opinion. Les effets économiques de mai 1968 nécessiteront de nouvelles mesures de rigueur. La défense du franc et la lutte contre l'inflation ont toujours dominé sur les préoccupations de politiques sociales.

Au nom de l'indépendance de la France, de Gaulle a en permanence été opposé à une Europe intégrée et supranationale. Il considère avec grande suspicion toutes les initiatives de la Commission de Bruxelles. Pour lui, l'Europe doit être une confédération des États, organisée autour des relations étroites entre dirigeants. Il proposait ainsi avec le plan Fouchet ce qui aurait pu constituer un début d'Europe politique. Ses prises de position antifédéralistes, clairement énoncées dans une conférence de presse du 15 mai 1962, aboutissent d'ailleurs à la démission des ministres M.R.P. du gouvernement Pompidou formé un mois plus tôt. Sur le financement de la politique agricole commune, il ira jusqu'à la crise avec ses partenaires en 1965, crise dite de la chaise vide : la France boude les réunions communes, elle veut faire reconnaître les intérêts de la France et imposer le maintien de l'unanimité pour certaines décisions, ce qui est fait avec le « compromis de Luxembourg » en janvier 1966. De Gaulle est un fervent partisan de l'entente franco-allemande pour conduire ensemble la politique européenne, il ne craint pas de défendre l'utopie d'une Europe beaucoup plus large que les six pays fondateurs (« une Europe de l'Atlantique à l'Oural »), dans une perspective de fin du bloc soviétique. Mais il est très opposé à l'entrée de la Grande-Bretagne dans l'Europe, du fait de ses liens privilégiés avec les États-Unis.[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur émérite de science politique à Sciences Po Grenoble, chercheur au laboratoire Pacte (UMR 5194, CNRS/ université Grenoble Alpes/Sciences Po Grenoble)

Classification

Médias

Charles de Gaulle, 1955 - crédits : Keystone/ Getty Images

Charles de Gaulle, 1955

Départ des soldats français de Saigon, 1956 - crédits : Keystone/ Getty Images

Départ des soldats français de Saigon, 1956

Charles de Gaulle, 1946 - crédits : Keystone/ Hulton Archive/ Getty Images

Charles de Gaulle, 1946

Autres références

  • ASSEMBLÉE NATIONALE (France - Ve République)

    • Écrit par
    • 5 795 mots
    • 2 médias

    L’Assemblée nationale est l’une des deux chambres composant le Parlement français, sous la Ve République, l’autre étant le Sénat.

    Cette dénomination provient du tout début de la Révolution française, lorsque les députés du tiers état, rejetant la division de la société en ordres,...

  • CONSTITUTION DE LA Ve RÉPUBLIQUE (France)

    • Écrit par
    • 3 433 mots
    • 4 médias

    Contrairement à une opinion dominante, le texte constitutionnel de 1958 a en partie seulement été inspiré par les idées du général de Gaulle. Certes, rappelé au pouvoir à la suite des événements du 13 mai 1958 et apparaissant aux yeux de tous comme l'unique recours, il a été en mesure d'imposer...

  • PROMULGATION DE LA CONSTITUTION DE LA Ve RÉPUBLIQUE (France)

    • Écrit par
    • 208 mots
    • 1 média

    Adoptée par référendum le 28 septembre et promulguée le 4 octobre 1958, la Constitution de la Ve République a pu être présentée au départ comme consacrant un régime parlementaire. Les critères permettant habituellement d'identifier un tel régime sont bien réunis : exécutif bicéphale,...

  • ALGÉRIE

    • Écrit par , , , et
    • 41 835 mots
    • 25 médias
    ...est investi par l'Assemblée nationale. De Gaulle se rend à Alger dès le 4 juin et lance le fameux : « Je vous ai compris. » La IVe République se meurt. Le 28 septembre 1958, en Algérie, Européens et musulmans (dont les femmes), réunis en un collège unique, votent massivement en faveur de la Constitution...
  • BÉRÉGOVOY PIERRE (1925-1993)

    • Écrit par
    • 1 071 mots
    • 1 média

    Homme politique français. Pierre Bérégovoy est né le 23 décembre 1925 à Déville-lès-Rouen (Seine-Maritime). Son père, un « Russe blanc », capitaine du tsar et menchevik, tient un café-épicerie. À cinq ans, l'enfant est confié à sa grand-mère, qui l'éduquera. Bon élève, il obtient le brevet élémentaire...

  • BICAMÉRISME ou BICAMÉRALISME

    • Écrit par
    • 5 328 mots
    • 2 médias
    Notons que c'est d'ailleurs toujours le cas aujourd'hui, puisque le Sénat de laVe République est élu par un collège électoral constitué au niveau départemental et composé de représentants de l'ensemble des collectivités territoriales : les communes bien sûr, mais aussi les départements et les régions...
  • BORNE ÉLISABETH (1961- )

    • Écrit par et
    • 1 314 mots
    • 2 médias

    Haute fonctionnaire et femme politique française, Élisabeth Borne a été Première ministre du président Emmanuel Macron de mai 2022 à janvier 2024. Après Édith Cresson, elle est la deuxième femme à diriger un gouvernement français.

  • Afficher les 86 références