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CINQUIÈME RÉPUBLIQUE Les années Chirac (1995-2007)

Au terme de douze années de pouvoir

Comme tous les hommes politiques restés longtemps au pouvoir, Jacques Chirac a été beaucoup critiqué. On peut cependant retenir de nombreux éléments positifs à porter à son actif. Le premier touche à sa personnalité : il a toujours eu le contact facile, aimant serrer les mains et prendre des bains de foule, sa popularité s'est construite sur sa simplicité dans les relations humaines. Il est l'initiateur de plusieurs réformes sur des sujets de société. Au début de son premier mandat, il fait voter la fin du service militaire obligatoire et la professionnalisation des armées. Il met aussi en œuvre une politique de la mémoire : il reconnaît dès juillet 1995 la responsabilité de la France dans la collaboration avec le nazisme et dans la déportation des juifs ; il instaure ensuite une journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l'État français et d'hommage aux justes de France en 2000, puis une journée en hommage aux harkis en 2003 et une journée de commémoration de l'abolition de l'esclavage en 2006. Dans le débat sur la querelle des mémoires, celle des colonisés et celle des colonisateurs, le président joue finalement plutôt l'apaisement. Au cours de son second mandat, il lance trois grands chantiers sur des problèmes très concrets et plutôt consensuels : le cancer, l'insécurité routière et l'insertion des handicapés. Cela se traduit notamment par la mise en place de radars et par la lutte antitabac.

Tout au long de son mandat, le président Chirac s'est fait le gardien des valeurs républicaines, montrant ainsi son tempérament politique radical, comme on l'a souvent souligné. Défenseur de la laïcité, il a fait adopter la loi sur l'interdiction du voile islamique à l'école. Il sera ferme à l'égard de l'extrême droite : après avoir probablement eu quelques tentations de chercher un accommodement avec Jean-Marie Le Pen en 1988, il refuse de se laisser entraîner à un rapprochement idéologique dont il aurait pu pourtant tirer un grand profit électoral. D'ailleurs, en 1995, il se fait élire sur un programme plus à gauche que celui d'Édouard Balladur, rejetant toute ouverture sur sa droite. Il se fera aussi le chantre du dialogue des cultures. Il lance le projet d'un grand musée des Arts premiers : « Le musée du quai Branly, d'une certaine façon, c'est aussi la reconnaissance de la diversité culturelle, de ce qu'elle apporte au monde d'aujourd'hui et de ce en quoi elle est nécessaire, ne serait-ce que pour le respect de l'homme et pour la paix », dira-t-il lors de son inauguration en juin 2006.

Il se fait aussi le défenseur de l'environnement sur le plan international : en 2002, à Johannesburg, au sommet mondial du développement durable, il affirme : « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. » Il lance en février 2007 un appel à créer une organisation internationale de l'environnement, destinée à « renforcer la gouvernance internationale » dans ce domaine. Il souhaite pour la France et pour l'Europe des objectifs beaucoup plus ambitieux que ceux du protocole de Kyoto pour la réduction des gaz à effet de serre. Il fait voter, contre le souhait de nombreux parlementaires U.M.P., une charte de l'environnement, qui repose sur la responsabilité écologique et le principe de précaution. Ce texte est intégré au préambule de la Constitution française et appartient donc désormais au « bloc de constitutionnalité », base de la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Jacques Chirac est très actif sur la scène internationale. Il intervient avec constance pour favoriser le retour de la paix en ex-Yougoslavie, aussi bien par l'emploi des forces militaires pour s'interposer entre Serbes et Bosniaques qu'en plaidant pour l'entrée[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite de science politique à Sciences Po Grenoble, chercheur au laboratoire Pacte (UMR 5194, CNRS/ université Grenoble Alpes/Sciences Po Grenoble)

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Médias

Jacques Chirac - crédits : Diana Walker/ Time Life Pictures/ Getty Images

Jacques Chirac

Édouard Balladur et Alain Juppé - crédits : Pool Bassignac/ Stevens/ Turpin/ Gamma-Rapho/ Getty Images

Édouard Balladur et Alain Juppé

Lionel Jospin - crédits : Pierre Boussel/ AFP

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