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CINQUIÈME RÉPUBLIQUE Les années Chirac (1995-2007)

Jacques Chirac à la conquête du pouvoir présidentiel

La conjoncture électorale de 1995 est favorable à la droite puisque les socialistes ont subi des défaites électorales très importantes aux législatives de 1993 et aux européennes de 1994. Ils ont, dans ce contexte, beaucoup de mal à trouver un candidat crédible. Jacques Chirac, bien qu'il préside le parti ayant le plus de députés dans la majorité parlementaire élue en 1993, n'a pas alors souhaité exercer une nouvelle fois la responsabilité de Premier ministre de la cohabitation. Il estime que cela nuirait à sa candidature présidentielle, comme ce fut le cas en 1988. Il préfère donc laisser cette responsabilité à Édouard Balladur, ministre d'État de 1986 à 1988 dans son gouvernement et sorte de vice-Premier ministre, proche conseiller au R.P.R. et « ami de trente ans ». Il n'avait simplement pas prévu que la popularité du Premier ministre dans les sondages ferait de lui un présidentiable. Son style d'homme raisonnable et de dialogue, son profil de gestionnaire, sa volonté de faire des réformes sans rien brusquer, ses rapports relativement pacifiés avec le président de la République pourtant socialiste assurent à Édouard Balladur un capital de sympathie. Sa cote de popularité est presque en permanence très élevée jusqu'au début de 1995. Il apparaît comme le meilleur candidat possible de la droite à la fin de 1994 et même jusqu'en février 1995.

Aucun des deux hommes ne renonçant à se présenter, l'élection présidentielle de 1995 va voir pour la première fois deux candidats de premier plan du même parti gaulliste s'affronter par le biais des urnes. Chacun cherche à mobiliser ses soutiens, Édouard Balladur ayant l'appui d'une large partie de l'U.D.F. et Jacques Chirac pouvant compter sur la machine électorale R.P.R., même si certains dirigeants comme Nicolas Sarkozy ou Charles Pasqua préfèrent soutenir le Premier ministre sortant. Les deux candidats R.P.R. ont des images et des styles politiques très différents, que leur concurrence les amène à accentuer. Jacques Chirac s'est construit une image d'homme proche du peuple, qui sait être convivial et à l'écoute des problèmes des Français. Il va se montrer le plus convaincant sur le versant du diagnostic. La France est en crise et ne parvient plus à se montrer solidaire. La désespérance et le chômage frappent notre société. La « fracture sociale », selon l'expression qu'il popularise alors, se développe, la politique est trop affaire d'élites et de technocrates, adeptes de la « pensée unique ». Jacques Chirac souhaite une meilleure répartition des fruits de la croissance et propose un programme social de créations d'emplois, de lutte contre l'exclusion et d'augmentation des salaires. Tout se passe comme si Édouard Balladur, populaire comme Premier ministre, n'avait pas su ou pas pu – du fait de sa position de chef du gouvernement sortant – se transformer en candidat crédible. Il apparaît de plus en plus comme un conservateur face à celui qui, à droite, incarne le changement. Les courbes des intentions de vote vont s'inverser à partir du début du mois de mars. Jacques Chirac va alors devancer nettement Édouard Balladur dans les sondages.

À gauche, la situation est compliquée. Le candidat socialiste « virtuel » depuis longtemps était Michel Rocard, Premier ministre de 1988 à 1991, dont l'image dans l'opinion était restée plutôt bonne. Mais son très mauvais score comme tête de liste aux européennes de 1994 le conduit à abandonner le leadership du parti et ses projets présidentiels. Jacques Delors, ministre de l'Économie et des Finances de 1981 à 1984, puis très actif président de la Commission européenne à Bruxelles, est alors sollicité, les sondages montrant qu'il a des chances sérieuses de pouvoir[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite de science politique à Sciences Po Grenoble, chercheur au laboratoire Pacte (UMR 5194, CNRS/ université Grenoble Alpes/Sciences Po Grenoble)

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Médias

Jacques Chirac - crédits : Diana Walker/ Time Life Pictures/ Getty Images

Jacques Chirac

Édouard Balladur et Alain Juppé - crédits : Pool Bassignac/ Stevens/ Turpin/ Gamma-Rapho/ Getty Images

Édouard Balladur et Alain Juppé

Lionel Jospin - crédits : Pierre Boussel/ AFP

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