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CINQUIÈME RÉPUBLIQUE Les années Chirac (1995-2007)

Une présidentielle paradoxale, des législatives de confirmation (2002)

La logique d'une élection présidentielle à deux tours est normalement de faire émerger du premier les deux principaux candidats qui s'affronteront dans le duel du second. Ce système est évidemment à haut risque puisqu'une coalition de gauche ou de droite très divisée éparpille ses voix et risque de se trouver éliminée de la compétition. Cela devrait inciter à rechercher des candidatures de rassemblement. Mais, en même temps, l'importance que la présidentielle a prise dans la vie politique française fait que toutes les tendances politiques, y compris parfois les plus marginales, cherchent à être représentées pour exister et se faire entendre.

La règle imposant aux candidats 500 parrainages d'élus est apparu en 2002 très facile à remplir pour différentes raisons (importance du nombre de parrains potentiels, mécontentement de certains élus locaux à l'égard des grandes tendances politiques, stratégies de marketing très poussé des candidats auprès des maires de petites communes rurales, soutien donné à un petit candidat pour affaiblir un des grands candidats de la coalition adverse...). Seize candidats se sont donc disputé les suffrages des électeurs, avec beaucoup de divisions dans chaque camp : trois candidats de l'extrême gauche trotskiste, cinq candidats de gauche, cinq candidats de droite, deux d'extrême droite et un candidat représentant un enjeu thématique (la défense de la ruralité et de la chasse).

Les deux responsables de l'exécutif, candidats après cinq ans de cohabitation, apparaissent comme déjà présélectionnés pour le second tour. Tous les sondages attestent d'ailleurs que les autres candidats sont loin dans les intentions de vote, même si Jean-Pierre Chevènement a semblé à l'automne de 2001 pouvoir devenir un « troisième homme » et si la cote de Jean-Marie Le Pen est à la hausse dans la dernière semaine. Les analyses faites après le scrutin montrent qu'un certain nombre de gens, croyant la sélection des principaux candidats assurée, ne sont pas allés voter, se réservant pour le tour décisif : le 21 avril 2002, l'abstention atteint ainsi un taux record pour ce type d'élection, 28,4 p. 100. D'autres électeurs ont profité de l'occasion d'un tour perçu comme sans enjeu pour voter, non pour celui qu'ils voulaient véritablement voir élu (un des deux principaux candidats) mais pour un petit candidat dont ils savent qu'il n'a pas une stature de présidentiable, qu'il ne sera pas élu, mais dont certaines idées leur plaisent. Jacques Chirac n'obtient que 19,9 p. 100 des voix, un score très faible pour un président sortant mais cependant sensiblement meilleur que celui de Lionel Jospin (16,2 p. 100), devancé par le leader du Front national (16,9 p. 100), qui se qualifie donc contre toute attente. On peut bien sûr incriminer des erreurs dans l'orientation de la campagne socialiste, mais le principal problème est bien l'émiettement du vote et l'importance de l'expression protestataire. Celle-ci a des causes conjoncturelles (un premier tour paraissant déjà joué), mais elle correspond aussi à un désenchantement de plus long terme à l'égard des principales forces de gouvernement et à une orientation plus critique et moins conformiste de l'électorat. Le thème de la montée de l'insécurité dans les banlieues, fortement médiatisé, a probablement aussi favorisé le vote en faveur du leader de l'extrême droite.

La qualification de Jean-Marie Le Pen aboutit à un ralliement presque unanime des candidats et des forces politiques en faveur de Jacques Chirac, pour faire barrage à l'extrême droite. De grandes manifestations ont lieu pendant l'entre-deux-tours pour s'opposer au Front national. Elles culminent le 1[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite de science politique à Sciences Po Grenoble, chercheur au laboratoire Pacte (UMR 5194, CNRS/ université Grenoble Alpes/Sciences Po Grenoble)

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Médias

Jacques Chirac - crédits : Diana Walker/ Time Life Pictures/ Getty Images

Jacques Chirac

Édouard Balladur et Alain Juppé - crédits : Pool Bassignac/ Stevens/ Turpin/ Gamma-Rapho/ Getty Images

Édouard Balladur et Alain Juppé

Lionel Jospin - crédits : Pierre Boussel/ AFP

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