CINQUIÈME RÉPUBLIQUE Les années Hollande (2012-2017)

La dévalorisation de l’image présidentielle

Une vie privée sur la place publique

On avait reproché à Nicolas Sarkozy de faire étalage de sa vie privée. François Hollande avait promis un comportement public plus atone. C’était sans compter sur le changement des mentalités dans le pays et dans la presse, et sur l’évolution générale des mœurs qui touche tous les Français, jusqu’aux plus hautes sphères de l’État. Séparé de Ségolène Royal depuis 2007, François Hollande s’installe à l’Élysée en 2012 avec sa compagne, une journaliste politique, Valérie Trierweiler. Après la révélation par la presse de la relation du président avec l’actrice Julie Gayet (qu’il va rencontrer sur son scooter !), Valérie Trierweiler le quitte. Elle publie, en septembre 2014, Merci pour ce moment, un livre très critique, dans lequel elle brosse un portrait peu flatteur de son ancien compagnon, présenté comme un homme cynique, froid et très peu respectueux des gens modestes qu’il qualifierait de « sans-dents ». Cet épisode est évidemment du pain béni pour les détracteurs du président.

Un président qui parle trop aux journalistes

En octobre 2016, c’est un autre livre qui défraie la chronique. Gérard Davet et Fabrice Lhomme, journalistes d’investigation au Monde, publient Un président ne devrait pas dire ça… En pratiquement 700 pages, fruit de 61 entretiens qui se sont déroulés tout au long du quinquennat, le président livre ses commentaires sur l’actualité, adoptant le ton de la confidence, comme si ses propos ne devaient pas être publiés. Il y multiplie les bons mots, critique opposants et amis, aussi bien que des groupes professionnels (magistrats, footballeurs…). Il dévoile même certains aspects de son action de chef des services secrets. Le livre fait beaucoup de mécontents. Certains députés de l’opposition appellent à sa destitution pour violation du secret-défense. La polémique achève de rendre impossible sa candidature à la présidentielle.

Un président qui s’écarte dans de nombreux domaines de ce qu’il avait promis, qui est souvent perçu comme un homme hésitant, incapable d’imposer ses décisions, un président qui renonce à se présenter parce qu’il n’a aucune chance d’être réélu et qu’il risque de ne pas même être sélectionné à l’issue d’une primaire que le parti socialiste et ses alliés lui ont imposée, une majorité éclatée, un parti présidentiel qui ne soutient que très mollement la politique du chef de l’État, où les forces centrifuges sont de plus en plus prégnantes, tel est le paysage de la fin des années Hollande. Elles marquent en cela la fin du cycle politique inauguré par la reconstruction du Parti socialiste au début des années 1970, caractérisé par l’existence d’une puissante force politique à gauche capable de réguler ses tensions internes. La campagne électorale de 2017 consacre le complet éclatement des forces qui avaient mené le candidat Hollande à la victoire en 2012. Emmanuel Macron, inconnu peu de temps auparavant, en affirmant qu’il n’est « ni de droite ni de gauche », anticipe et accélère cet éclatement à son profit.

(Voir également FRANCE, chronologie contemporaine)

— Pierre BRÉCHON

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Écrit par

Pierre BRÉCHON : professeur émérite de science politique à Sciences Po Grenoble, chercheur au laboratoire Pacte (UMR 5194, CNRS/ université Grenoble Alpes/Sciences Po Grenoble)

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