CINQUIÈME RÉPUBLIQUE Les années Mitterrand (1981-1995)
Le second septennat
Gouverner autrement ?
Le nouveau gouvernement bénéficie en début de mandat d'une conjoncture économique favorable, la croissance reprend et le chômage amorce un lent déclin. Mais la situation va à nouveau commencer à se dégrader à partir de 1990. Le gouvernement aura donc de plus en plus de difficultés pour mettre en œuvre des réformes et sera taxé d'immobilisme.
Michel Rocard revendique une méthode de gouvernement : faire des réformes après avoir pris le temps de discuter avec les différents acteurs et protagonistes. Cette méthode connaît un vrai succès sur le dossier calédonien et sur la création du revenu minimum d'insertion (R.M.I.), beaucoup moins par la suite. La situation était explosive en Nouvelle-Calédonie. À la veille de l'élection présidentielle, des indépendantistes radicaux s'en étaient pris aux forces de l'ordre. Plusieurs morts étaient à déplorer dans chaque camp, il fallait agir vite pour éviter un embrasement généralisé. Le Premier ministre envoie sur place une délégation composée de trois hauts fonctionnaires et de trois représentants des grands courants spirituels. Il conduit ensuite des pourparlers à l'hôtel Matignon avec les deux camps. Il en sort un accord, traduit dans une loi qui est soumise ensuite à référendum en novembre 1988. Celui-ci enregistre un niveau record d'abstention (63 p. 100), le statut calédonien ne mobilisant pas l'électorat, à la différence des événements violents du printemps précédent.
La loi sur le R.M.I., préparée par le précédent gouvernement, est reprise par le nouveau. Elle est votée à l'unanimité, le problème de la nouvelle pauvreté, liée à une société qui n'arrive plus à assurer un emploi pour tous, étant fortement ressenti par l'ensemble des acteurs sociaux.
En matière économique, l'impôt sur la fortune est rétabli mais on ne revient pas sur les privatisations opérées sous la première cohabitation. Le gouvernement socialiste maintient la rigueur salariale dans la fonction publique, ce qui entraîne des mouvements de grève qui touchent successivement à l'automne plusieurs secteurs. En octobre 1988, le mouvement des infirmières, animé plutôt par des coordinations informelles que par les syndicats, est particulièrement emblématique, mais des grèves se développent aussi à La Poste et dans les réseaux de transports urbains.
Pour faire face au déficit de la Sécurité sociale, une mesure très importante est introduite : pour ne pas accroître encore les taux de cotisations, un nouvel impôt est créé, la contribution sociale généralisée (C.S.G.), impôt retenu à la source, fortement critiqué à droite mais aussi à gauche.
Une loi d'orientation concernant l'éducation est votée en 1989 : sur cinq ans, des investissements importants vont être faits, aussi bien au niveau des bâtiments scolaires que des créations de postes aux différents niveaux d'enseignement.
À l'automne de 1989, une affaire mobilise fortement l'opinion : trois jeunes filles d'un collège de Creil se voient interdire de suivre leurs cours tant qu'elles porteront un « foulard islamique ». Si l'extrême droite et la droite sont assez généralement favorables à cette interdiction, la gauche se trouve beaucoup plus divisée entre des tenants de la laïcité républicaine et certaines féministes opposées au voile, d'une part, et des adeptes de la tolérance à l'égard des communautés ethno-religieuses, d'autre part. Le Conseil d'État, consulté par Lionel Jospin, ministre de l'Éducation nationale, adopte une position mesurée : le port des signes religieux « n'est pas par lui-même incompatible avec le principe de laïcité », sauf s'il peut être considéré comme une provocation ou du prosélytisme. L'irruption du « voile islamique » dans le débat public donne plus[...]
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Écrit par
- Pierre BRÉCHON : professeur émérite de science politique à Sciences Po Grenoble, chercheur au laboratoire Pacte (UMR 5194, CNRS/ université Grenoble Alpes/Sciences Po Grenoble)
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