CINQUIÈME RÉPUBLIQUE Vue d'ensemble

En deux siècles d'histoire, la France a expérimenté plusieurs systèmes politiques. Outre les deux périodes napoléoniennes, celles des monarchies constitutionnelles et de Vichy, le pays a connu cinq Républiques dont certaines furent de courte durée. La V^e République est le régime le plus pérenne après la III^e République. Mais la Constitution de 1958 a connu au fil du temps plusieurs adaptations importantes : la décolonisation de l'Afrique noire rend très vite caduques les institutions de la Communauté française ; l'élection du président au suffrage universel direct, décidée en 1962 et mise en œuvre pour la première fois en 1965, justifie et renforce l'interprétation présidentialiste des institutions ; l'expérimentation à trois reprises (1986-1988, 1993-1995, 1997-2002) de la cohabitation entre un président et un Premier ministre appartenant à des camps politiques différents permet de mettre en œuvre une toute autre répartition des pouvoirs entre les deux têtes de l'exécutif ; la réduction du mandat présidentiel à cinq ans, finalement adoptée en 2000 (après plusieurs essais non aboutis), et l'organisation des élections législatives dans la foulée de la présidentielle renforcent encore la présidentialisation du régime ; la construction européenne nécessite aussi plusieurs modifications constitutionnelles, de manière à légitimer certaines limitations de la souveraineté nationale ; une charte de l'environnement est incluse en 2005 dans le préambule de la Constitution. Au total, de 1958 à février 2012, vingt-quatre modifications de la Loi fondamentale ont été adoptées, le plus souvent par les parlementaires réunis en Congrès, mais parfois par référendum.

Si ce cadre institutionnel semble largement accepté par les citoyens français, des débats resurgissent pourtant régulièrement sur l'équilibre des pouvoirs entre le président et le Parlement. L'Assemblée nationale a vu son rôle un peu renforcé par la révision constitutionnelle de 2008. Mais les pouvoirs du président n'en ont pas été réellement affectés, Nicolas Sarkozy faisant preuve d'un grand volontarisme politique et contrôlant étroitement sa majorité parlementaire.

La V^e République est un régime politique original et quelque peu hybride. Maurice Duverger l'avait qualifié de semi-présidentiel. À l'évidence, ce n'est pas un régime parlementaire classique puisque le pouvoir exécutif n'est pas le produit de la volonté des députés (c'est le président élu par le peuple qui choisit et nomme le Premier ministre), mais ce n'est pas non plus complètement un régime présidentiel ce qui impliquerait, comme aux États-Unis, une séparation stricte entre pouvoir présidentiel et pouvoir parlementaire. Dans le système français, le président peut dissoudre l'Assemblée et les députés peuvent – dans des conditions assez difficiles à remplir – renverser le gouvernement choisi par le président. Il y a deux personnalités à la tête de l'État alors qu'en régime présidentiel classique la fonction de Premier ministre n'existe pas. Cette situation française originale d'exécutif réellement bicéphale fonctionne habituellement avec un leadership présidentiel, mais dans les périodes de cohabitation l'équilibre se renverse, on se rapproche d'une situation de régime parlementaire, le Premier ministre exerce alors l'essentiel du pouvoir, même si le président peut conserver des prérogatives sur la politique étrangère et la défense.

Dans les traits constitutifs forts de la V^e République, il faut ajouter un élément qui n'est pas constitutionnel mais a joué un rôle capital : le mode de scrutin majoritaire. Il a permis l'émergence de majorités parlementaires stables. Couplé avec l'élection du président au suffrage universel, il a abouti à une bipolarisation[...]

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Écrit par

Pierre BRÉCHON : professeur émérite de science politique à Sciences Po Grenoble, chercheur au laboratoire Pacte (UMR 5194, CNRS/ université Grenoble Alpes/Sciences Po Grenoble)

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