CIRQUE
Acrobatie, ménagerie et « variétés »
Le Cirque olympique du boulevard du Temple ferme définitivement ses portes en 1847. Il ne reste à Paris que le cirque national des Champs-Élysées. Louis Dejean, gérant, qui l'a fait construire (1841), organise des tournées à l'étranger pour occuper ses artistes engagés à l'année. Il fait édifier le cirque de Berlin, qu'il loue en 1852 à Ernst Renz, son concurrent le plus acharné à le chasser d'Allemagne. En effet, Dejean a obtenu entre-temps le privilège d'un cirque à construire, le cirque Napoléon, aujourd'hui cirque d'Hiver. Mais c'est une extension pure et simple du privilège du cirque des Champs-Élysées, limité aux exercices équestres et à quelques intermèdes d'équilibre. Pourtant, en compensation des pantomimes qui lui sont retirées en faveur du Châtelet, le cirque Napoléon annexe la pantomime sautante italienne et les clowneries. En accueillant les jeux forains et les acrobaties de place publique, le cirque se démocratise et devient un spectacle acrobatique dans toute l'acception du terme. La haute école et la danse à cheval perdent la première place et ne trouvent d'encouragement que chez les amateurs de la haute société.
Déjà Risley et John Lees, des Américains, ont vulgarisé le jonglage antipodiste et les jeux icariens. Helbing, un Allemand, présente des acrobaties sur une barre aérienne, et les Wilsons des équilibres au trapèze. Les moniteurs des gymnases militaires introduisent en piste la gymnastique aux agrès : anneaux, barres parallèles aériennes, échelles horizontales, perche suspendue, etc., tous accessoires qui, empruntant au progrès mécanique, donnent naissance à des spécialités nouvelles. Jules Léotard assure le succès des évolutions au trapèze volant. Ugo Ancillotti crée avec sa famille la première troupe d'acrobates cyclistes. Les acrobaties sur roue, parties du patin à roulettes (Cirque olympique, 1824) iront jusqu'au looping the loop et aux sauts périlleux en automobile, après 1900.
Dans la seconde moitié du xixe siècle, les chapiteaux voyageurs démontables se multiplient ; ils font appel à des sources nouvelles pour se concurrencer. Les frères Sanger ont la plus importante ménagerie d'Angleterre avant 1870. La colonisation allemande, qui érige la vente des animaux exotiques à la hauteur d'une exploitation, transforme le cirque équestre et acrobatique en ménagerie. Après la Première Guerre mondiale, la traction automobile chasse des cirques une partie des chevaux employés jusqu'alors pour les déplacements. La rotation plus rapide d'un matériel de plus en plus imposant (toiles, mâts, gradinage, sièges pliants, voitures d'administration, loges des artistes, voitures-couchettes du personnel, voitures-cages, réserves de nourriture, cuisine, groupe électrogène, voitures-ateliers, chaufferie, citernes à eau et à essence, etc., tous éléments étudiés en fonction de représentations d'un seul jour dans des villes différentes) améliore la rentabilité des investissements dans des cirques qui s'étendent de plus en plus, tandis que les petits cirques qui ne peuvent résister à la concurrence disparaissent.
Après la Seconde Guerre mondiale, les écuries des cirques se vident encore au profit des ménageries. Les arts équestres s'appauvrissent. Puis le déclin commence avec la désaffection d'une clientèle sollicitée par les spectacles mécaniques, cinéma et télévision. Pour équilibrer leur budget, les directeurs s'associent à des entrepreneurs de publicité. Le cirque transforme à des fins mercantiles sa fonction spectaculaire. Pour attirer la clientèle, le spectacle engage des vedettes sportives – boxeurs, coureurs, nageurs, patineurs –, des comédiens fantaisistes qui font les clowns, des acteurs lyriques qui chantent à cheval, des célébrités de la [...]
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Écrit par
- Didier MÉREUZE
: journaliste, responsable de la rubrique théâtrale à
La Croix - Tristan RÉMY : homme de lettres
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