CISTERCIENS
L'art cistercien
L'architecture
L'Abbé de Clairvaux et l'art
En ce qui concerne l'architecture, les Cisterciens interdirent, pour leurs églises, comme contraires à la simplicité et à la pauvreté, les clochers de pierre ainsi que les peintures et les sculptures. Tout cela se trouve exprimé avec verve dans la fameuse Apologie que saint Bernard adressa, vers 1125, à son ami Guillaume, abbé bénédictin de Saint-Thierry, près de Reims. Dans cet écrit, le saint s'élève contre le luxe des églises clunisiennes, leurs dimensions excessives, leur décoration somptueuse, et en particulier contre les sculptures qui ornent les chapiteaux, dans les cloîtres comme dans les églises. Après avoir fait allusion aux immenses couronnes de lumière couvertes de pierreries, il s'écrie : « L'Église resplendit dans ses murs, mais elle manque de tout dans ses pauvres ; elle orne d'or ses monuments de pierre, et laisse ses fils aller nus. » Et il ajoute, pour résumer sa pensée : « En somme, de quelle utilité cela peut-il être pour des pauvres, pour des moines, pour des hommes spirituels ? »
Ces textes sont très connus, mais il n'est pas inutile de les citer, car on y retrouve, orchestrées par saint Bernard, les décisions prises par les Cisterciens concernant la simplicité et la pauvreté : d'une part, les moines n'ont que faire de tous ces ornements qui ne peuvent que les distraire dans leur oraison ; et, d'autre part, la pauvreté qu'ils veulent observer leur interdit de dépenser, dans ces décorations superflues, des sommes qu'ils préfèrent réserver au soulagement des pauvres.
Tels sont les fondements spirituels de l'attitude des Cisterciens et de saint Bernard relativement à l'art.
C'est bien parce qu'ils ont méconnu cet aspect fondamental de la spiritualité cistercienne que plusieurs auteurs, et non des moindres, ont tenu saint Bernard, et du même coup les Cisterciens, pour de farouches ennemis de l'art. À commencer par Montalembert, pour qui l'abbé de Clairvaux est comme « dominé par des préjugés violents contre l'art religieux ». Vacandard, le meilleur historien du saint, va plus loin en affirmant que celui-ci « manque totalement d'éducation esthétique » et qu'il est « incapable de saisir le sens caché et mystérieux des œuvres d'art ». Viollet-le-Duc ne craint pas de dire que les monastères qui s'érigeaient sous l'inspiration du saint, dépouillés d'ornements et de bas-reliefs, représentent « une déviation de l'architecture religieuse qui ralentit et comprima l'élan des écoles monastiques ». Ces auteurs n'ont évidemment pas compris que ce dépouillement n'est que le reflet de la spiritualité des Cisterciens. Il faut rappeler ici le mot d'Étienne Gilson, qui situe le problème à son vrai plan : « L'architecture cistercienne s'incorpore à la spiritualité cistercienne et ne saurait en être séparée. » Autrement dit, le problème n'est pas d'ordre esthétique, mais d'ordre exclusivement spirituel et ascétique. Saint Bernard ne parle donc pas en esthète ou en critique d'art, mais en moine et en ascète. En abbé aussi, chargé de conduire à Dieu toute une communauté dont il est le père et le pasteur, et dont il connaît les faiblesses et les besoins. Il sait donc mieux que quiconque que, pour des moines, les ornements sont non seulement inutiles, mais encore de nature à les distraire dans leur vie de prière.
Le plan « bernardin »
Parmi les plus beaux ensembles de l'architecture des Cisterciens, il faut citer l'abbaye de Fontenay, en Bourgogne, deuxième filiale de Clairvaux, fondée en 1119, près de Montbard. Le monastère est conservé dans son état primitif, hormis le réfectoire, qui a disparu. L'église, consacrée en 1147, reproduit à peu près le plan de celle[...]
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Écrit par
- Marie-Madeleine DAVY : maître de recherche au C.N.R.S.
- Placide DESEILLE : religieux, professeur à l'université de Lyon-III
- Anselme DIMIER : moine cistercien
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