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CITÉ-ÉTAT

La cité-État désigne une forme politique spécifique qui a eu cours, d'abord dans l'Antiquité classique, puis en Italie et en Europe du Nord à la fin du Moyen Âge. D'une période à l'autre, les différences l'emportent sur les ressemblances. La cité antique était inséparable de son arrière-pays campagnard et comptait les paysans propriétaires au nombre de ces citoyens, alors que la cité médiévale entretenait avec sa campagne des relations de domination. Pour Max Weber, la première était une cité de consommateurs, alors que la seconde était une cité de producteurs. La cité antique fut une réalité historiquement lourde et conceptuellement riche. C'est sur elle que se concentreront les remarques qui suivent.

La cité grecque comme modèle politique

Si le mot cité vient du latin (civitas), la réalité a d'abord été grecque (polis). D'origine indo-européenne, le mot polis correspond au sanskrit pur, « citadelle », « forteresse ». Mais dans la langue grecque, les linguistes rapprochent polis de polus (« nombreux »). Si bien que la signification originelle pourrait avoir été « foule », « communauté réunie ».

Historiquement, la polis comme forme politique nouvelle s'est répandue au cours du viiie siècle av. J.-C. L'ont rendue possible une révolution démographique, une extension de l'agriculture et une augmentation du nombre des propriétaires fonciers. Elle désigne une communauté indépendante, dotée d'un « territoire politique », où pour la première fois – et la dernière jusqu'à l'époque moderne – des paysans sont reconnus comme des citoyens à part entière. Les citoyens sont aussi les soldats de la cité. Outre la campagne environnante, une cité comprend un centre urbain, qui est le lieu de résidence pour la bonne société, le centre administratif et politique, le centre religieux et culturel, le lieu des échanges aussi où se concentrent l'artisanat et les services. À côté des grandes cités, les plus connues mais aussi les plus atypiques (Athènes, Sparte, Rome), il en a existé des milliers d'autres. Si la grande époque des cités-États, représentée par la prépondérance d'Athènes appuyée sur son empire, s'étend entre le vie et le ive siècle avant J.-C., ni les monarchies hellénistiques ni l'Empire romain ensuite n'ont mis fin à l'ère des cités, tout au contraire, même s'il est bien entendu que la grande politique était désormais fermée à celles-ci. Synonymes de civilisation, agents d'hellénisation et de romanisation, elles sont restées l'horizon indépassable du monde antique.

Entre les Grecs et les autres peuples, la différence fondamentale était « politique ». Eux, estimaient-ils, avaient créé la vie en cité, alors que les barbares étaient incapables de vivre sans rois. Instaurer une cité véritable passe par le renversement du pouvoir d'un seul : le tyran. On place alors « le pouvoir au centre », et la liberté de parole, le débat public et la règle de la majorité remplacent le cours de la seule parole despotique. Ainsi s'instaure le règne de la loi (nomos) de sorte que tous les citoyens – mais la cité est un club d'hommes excluant les femmes, les esclaves et les étrangers – sont non seulement égaux devant la loi (isonomie) mais tous également « législateurs ». Le citoyen, selon Aristote, est celui qui, tour à tour, commande et est commandé. Dans l'espace public ainsi constitué sont débattues « les affaires communes », qui comprennent à la fois les affaires des hommes et celles des dieux. Pour le dire avec les mots d'aujourd'hui, ceux de Cornelius Castoriadis (1922-1997), l'émergence de la cité a marqué le passage de « l'hétéronomie » (la loi vient d'ailleurs) à « l'autonomie » (la société se reconnaît comme source de la loi). Pour la première fois, une société[...]

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Écrit par

  • : directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales

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