CITÉ-JARDIN
Dans son acception originelle, qu'un usage abusif a souvent tronquée, cité-jardin est la traduction française de l'expression anglaise garden-city créée par le socialiste anglais Ebenezer Howard.
Dans son livre Tomorrow : a Peaceful Path to Real Reform (1898), devenu dans l'édition de 1902 Garden-Cities of Tomorrow (Les Cités-jardins de demain, Paris, 1969 avec une préface de F. J. Osborn ; essai introductif de L. Mumford ; présentation de R. Auzelle), Howard propose et définit sous le nom de garden-city un modèle d'établissement propre, selon lui, à résoudre le problème de l'habitat humain à l'ère industrielle. Cette solution répond à une triple critique politico-sociale, hygiéniste et culturelle de la société industrielle dont les tares et les contradictions se résument dans l'antagonisme de la ville et de la campagne. La cité-jardin permet en effet la « combinaison saine, naturelle et équilibrée de la vie urbaine et de la vie rurale, et cela sur un sol dont la municipalité est propriétaire » ; elle offre tous les avantages respectifs de la ville et de la campagne (jouissance de la nature et vie sociale animée, hauts salaires et vie bon marché, nombreux emplois et travail proche, absence de pollution et distractions) sans leurs inconvénients (exploitation du travailleur, taudis, sous-équipement, centralisation industrielle).
La garden-city, conçue par Howard, est une création ex nihilo sur terrain vierge. Sa surface et sa population sont limitées : le domaine collectivisé doit avoir 2 400 hectares ; la ville proprement dite n'en occupe que 400 pour une population ne devant pas dépasser 30 000 habitants. Un système de jardins et d'avenues plantées structure le noyau urbain, en organisant le groupement et la répartition des édifices publics au centre, puis des commerces et des habitations et enfin des écoles, et en permettant de localiser les industries à la périphérie où elles sont en contact direct avec la ligne de chemin de fer électrique qui encercle l'agglomération. Les deux mille hectares restants constituent une ceinture verte inaliénable où l'agriculture devient rentable en s'intégrant au marché de consommation que constitue la garden-city. Celle-ci étant par définition inextensible, Howard en fait une unité d'aménagement du territoire : lorsqu'une ville a atteint ses limites, on doit en créer à proximité une nouvelle, dont elle sera séparée par la nécessaire ceinture de campagne protectrice. Des systèmes peuvent être ainsi réalisés qui relient entre elles ainsi qu'à une ville centrale plus importante (58 000 hab.), par un réseau ferré électrifié, des grappes de cités-jardins.
On peut résumer en trois traits essentiels la spécificité du modèle de Howard. Tout d'abord, sa garden-city est une ville complète qui intègre tous les secteurs du travail et où toutes les fonctions de la vie sociale sont harmonieusement représentées. Elle ne doit donc en aucune façon être assimilée aux banlieues vertes, cités ouvrières et villes dortoirs, avec lesquelles on la confond souvent, en particulier en France, à la suite de la publication en 1904 de la Cité-jardin de G. Benoit Lévy. En second lieu, son extension dans l'espace et sa croissance démographique sont limitées par un malthusianisme radical. Enfin, ses caractéristiques formelles sont subordonnées à la suppression de la propriété privée du sol qui, en éliminant la spéculation foncière, devient le garant et le moteur de la création urbaine.
Mais Howard n'était pas un utopiste. Il avait élaboré dans le détail les moyens pratiques de mettre en œuvre un modèle qui, selon ses propres termes, n'était qu'un schéma diversement interprétable au gré des contextes physiques particuliers. En 1899, il fondait l'Association des cités-jardins. En 1903, celle-ci acquérait le terrain nécessaire[...]
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Écrit par
- Françoise CHOAY : professeur à l'université de Paris-VIII
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